Il est rare de rencontrer quelqu'un qui ne connaisse pas Sherlock Holmes. En revanche, le nom d'Harry Dickson, lui, est moins connu. Pourtant, l'un est inspiré de l'autre, puisque Harry Dickson fut surnommé "le Sherlock Holmes américain".Au départ, Dickson, c'est une série de petits fascicules, de petits romans publiés en langue allemande, sur une base régulière. On demanda ensuite à l'écrivain belge Jean Ray d'en traduire quelques-uns. Ray fit mieux : trouvant les originaux sans intérêt, il écrivit de nouvelles oeuvres en s'inspirant des pages couvertures des romans allemands. Les Harry Dickson de Jean Ray, ce sont des polars brefs et nerveux, baignant dans une atmosphère fantastique. L'action se déroule souvent à Londres, un Londres brumeux et énigmatique.
Après le décès de Jean Ray, d'autres ont repris le flambeau, dont le Français Gérard Dôle. Qui est-il, ce Gérard Dôle ? Figure intéressante du fantastique et du serial (feuilleton utilisant des personnages récurrents) européen, Gérard Dôle est à la fois journaliste, musicien, chanteur, compositeur, chercheur et écrivain. On lui doit de nombreux textes critiques au sujet de Jean Ray, mais aussi une imposante étude sur l'Histoire musicale des Acadiens : de la Nouvelle-France à la Louisiane 1604-1804 (l'Harmattan, 1995). Conteur habile et expérimenté, Dôle s'est donc plu à inventer de nouvelles aventures de Harry Dickson.
Le résultat : un gros livre que le Fleuve Noir édita en 1996. S'y trouvent regroupés deux volumes entiers jadis publiés aux éditions Corps 9, plus une novella inédite (sauf erreur) de près de 100 pages, et un autre long texte... Et ce n'est pas tout ! Mais commençons par le commencement.Le succès d'un bon serial repose entre autres sur le respect et la transgression d'un certain nombre de normes. Dans le cas présent, Gérard Dôle a su mener son opération sur le fil du rasoir.
-Transgressions : une aventure, pour une fois, purement surnaturelle de Harry Dickson, le met aux prises avec un vampire surpuissant. La rencontre de personnages étonnants : Harry Dickson croise Sherlock Holmes, Karnaki, Blake et Mortimer, Jean Ray, Gérard Dôle lui-même. L'auteur n'hésite pas à ressusciter le professeur Flax, ce " monstre humain " présent dans les fascicules allemands originaux, au centre d'un cycle de six romans jadis réédités chez Corps 9. Parfois à la limite de la parodie du genre, Gérard Dôle multiplie les coups de théâtre, attribue des motivations insensées aux agissements de personnages troubles, propose des climats et des décors hallucinants, enchaîne les péripéties les plus incroyables et abandonne le lecteur en plein suspense. Les private joke y foisonnent, Dôle n'hésitant pas à donner de petits rôles à certains amis, Jacques Van Herp, Francis Lacassin, François Ducos qu'on reconnaît malgré leurs noms quelquefois un peu déformés.
-Respect des codes : on y redécouvre des personnages familiers, Tom Wills, Goodfield, Mrs Crown (plus débrouillarde que sous la plume de Jean Ray). La structure narrative policière classique est souvent présente - on se meut en pleine incompréhension jusqu'au dernier chapitre où Dickson, confortablement installé dans un fauteuil, explique la solution aux lecteurs ébahis. L'ambiance propre aux récits dicksonniens est la plupart du temps présente, et les héros évoluent souvent dans un Londres empli de fog.C'était une initiative plaisante que de republier ces aventures devenues difficiles à trouver. Toutefois, une réédition des Contes crépusculaires du même auteur aurait été intéressante.
La collection "Super Poche" du Fleuve Noir (quel nom...!) n'aura duré qu'un temps. Lui succéda la fort judicieuse "Bibliothèque du Fantastique" qui, elle aussi, mourut, faute de ventes suffisantes. Depuis le passage à l'an 2000, le Fleuve Noir a perdu beaucoup de son charme...Saluons en terminant l'intéressante préface de Claude Deméocq, lequel présente Harry Dickson en un premier temps, puis Gérard Dôle ensuite. Une bibliographie et discographie fort complète de Gérard Dôle, établie par François Ducos, termine le volume, suivie d'une liste des continuateurs de Harry Dickson établie par Kevin Rocamir, où s'entrecroisent nouvelles, romans, films, bandes-dessinées, pièces de théâtre, sculptures...
Gérard DÔLE, Les exploits de Harry Dickson, Paris, Fleuve Noir, Coll. " Super Poche ", 1996, 668 p.
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12 commentaires:
Bonjour M. Durand,
Mon commentaire n'a pas rapport avec votre message. Je voulais seulement vous dire que j'ai lu dernièrement votre roman "Le caroussel pourpre" et que j'ai été agréablement surprise par le sujet et l'amnpleur de votre imagination (c'est un compliment!). J'ai entamé la suite.
Quant à votre dernier livre, je l'aurai seulement à la fin du mois de septembre et j'espère bien vous croiser pour avoir une dédicace... vous serez d'un salon du livre cette année?
ampleur sans n... mes doigts ont fourchés.
Bonjour !
Merci d'avoir pris le temps de me transmettre ces commentaires. C'est toujours très apprécié et motivant.
La "suite" du CARROUSEL (PROMENADE NOCTURNE) est un texte très différent, beaucoup plus noir et ésotérique dans sa construction.
On retrouve aussi les personnages du CARROUSEL dans un roman d'aventures fantastiques intitulé LE VOYAGE INSOLITE, paru en 1998 chez Pierre Tisseyre, de même que dans mon premier livre, L'OMBRE DU SORCIER (Tisseyre, 1997).
Bien sûr, il me fera très plaisir de dédicacer mon dernier livre et/ou les précédents ! Et par le fait même, de bavarder un peu avec vous !
À l'heure actuelle, j'ignore si je serai au salon de Montréal, mais cela est possible. Quand je le saurai, je posterai cette info.
Merci encore, et au plaisir !
En espérant se voir avant que l'un de nous ne soit atteint d'incohérence démente cyclique ;-)
Je croyait que seul Jean Ray avait commis des Harry Dickson, je vais m'endormir moins cancre, pour paraphraser. J'ai adoré les Harry Dickson de Jean Ray que j'ai lus !
En effet, Mario, il existe plusieurs autres Dickson, qui sont des traductions des romans allemands initiaux.
Les éditions CORPS 9 ont publié, au courant des anées 80, l'intégrale des Harry Dickson qui n'étaient pas de la plume de Jean Ray. Pour en avoir lu plusieurs, je me souviens que certaines de ces oeuvres étaient très plaisantes. Dickson affrontait entre autres un ennemi récurrent, le Professeur Flax.
Sahée : je crois me souvenir que tu fais allusion à l'un de mes romans, mais je ne saurais dire lequel. Ça évoque un vague souvenir en moi !
L'ombre du sorcier.
D'accord, et merci de la précision ! Il me semblait vaguement qu'il pouvait s'agir de ce livre.
Ça peut paraître absurde que j'oublie un détail d'un de mes propres livres, mais il faut dire que ce livre fut écrit en 1993, si je me souviens bien. Depuis sa parution en 1997, je ne l'ai jamais relu !
Tu verras, dans dix ans, quand on te reparlera de ton premier roman, tu en auras oublié des bouts toi aussi !
Pour le moment, j'ai du mal à croire que ce soit possible... mais qui sait? Nous verrons bien :-)
1993, c'est aussi l'année où j'ai commencé mon roman... sauf que moi je l'ai fini l'année dernière pendant que toi tu en écrivais et publiais huit autres... Chapeau :-))
Oui, mais tu as deux enfants, ce qui prend quand même pas mal de temps...
Moi, je n'en ai aucun, à part le chat jaune et sa soeur...
Et le rythme d'écriture de chacun diffère. En définitive, ce qui compte vraiment, c'est que tu aies eu la ténacité nécessaire pour mener ton projet à terme et le faire publier.
Pas deux enfants: trois! :-)
Anyway, c'est correct!
Je salue et j'admire ta carrière, je ne dénigre pas la mienne pour autant.
Je trouvais juste ça cute comme coïncidence.
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