04 avril 2010

Souvenirs d'un rêveur fantastique


En 1992, plein d’enthousiasme, je participais à la création d’une revue à l’existence éphémère, Le Rêveur fantastique, publication dont l’objet d’intérêt principal était la littérature et le cinéma fantastiques. Après deux numéros, le projet se dilua pour les raisons habituelles : inexpérience, équipe de bénévoles trop peu nombreuse pour s’occuper des différentes tâches à effectuer, lesquelles étaient par ailleurs fort mal réparties, distribution à faire nous-mêmes, obligations personnelles et professionnelles, etc. Rien de nouveau dans le domaine du fanzinat québécois, qui a connu beaucoup de parutions du genre depuis les années 1970. Le plus dommage était sans doute que le numéro 2 était entièrement prêt à être imprimé (il devait entre autres contenir une nouvelle de Claude Bolduc). Il n’a jamais vu le jour pour des raisons financières.Dès l’été 1993, je m’étais impliqué au sein d’imagine…, revue de science-fiction québécoise fondée en 1979. J’étais arrivé à temps pour le numéro 65, dans le cadre duquel j’avais interviewé Jean-Pierre April.

Tout cela me semble maintenant près et lointain à la fois, le temps se contractant ou prenant de l’expansion selon la perspective adoptée, selon les jours qui passent et bien d’autres facteurs encore. imagine… était condamnée à disparaître en 1998, après une réorientation visant une plus grande ouverture envers les autres genres littéraires. Ce choix suivait la personnalité de plusieurs des membres du comité de rédaction, dont la sensibilité personnelle se portait plus vers le fantastique (ou la littérature dite générale) que vers la SF. Trois numéros de cette « nouvelle formule » virent le jour : 78, 79 et 80/81.

Nous avions des projets intéressants pour la suite des choses, entre autres un long entretien avec le comédien-scénariste-réalisateur Michel Lemoine (ce dossier est supposé paraître dans un fanzine français voué au cinéma de genre). J’ai ensuite reporté mes activités « journalistiques » vers une émission de radio, Le voyage insolite, que j’anime encore hebdomadairement sur les ondes du 89, 1 FM. Au début des années 2000, je me souviens avoir été très étonné de voir surgir une publication aussi inusitée que prometteuse, Pandémonium, dont le sous-titre se lisait ainsi : « Le fanzine des arts déviants ». Au sommaire, on retrouvait des nouvelles, des entrevues (entre autres avec des artistes en arts visuels), des articles sur divers sujets reliés à la culture du fantastique. Le ton de ce périodique (qui compta 4 numéros) était à la fois élégant et provocateur (les pages couvertures, par exemple, ne laissaient pas indifférent). L’une des créatrices de cette publication portait le nom énigmatique d’Hérélys Deslandes, et je découvris avec étonnement qu’elle habitait à Trois-Rivières. Il était alors impossible pour moi de deviner que cette jeune femme talentueuse deviendrait ma compagne plusieurs années plus tard…

Il faut une grande dose de passion, de patience et de travail pour faire vivre de telles initiatives et les faire durer. imagine…, par exemple, employait surtout des bénévoles, et je me souviens avoir vu ceux-ci (l’un d’entre eux, en particulier) effectuer des heures supplémentaires à peine raisonnables. Qu’on considère donc cette entrée d’avril 2010 comme un hommage à ceux et à celles qui se dévouent encore pour créer ou maintenir de tels lieux d’expression artistique et littéraire, valorisant des esthétiques différentes qui viennent faire contrepoids à des lieux de diffusion souvent trop timides et conservateurs…