Dans la biographie de
Siouxsie and the Banshees, on trouve un passage assez amusant où sont cités les propos du bassiste du groupe, Steve Severin (Severin, en référence au Velvet Underground, bien sûr, mais, par le recours à une double intertextualité, au roman - un peu minable, il faut bien le dire - de Sacher-Masoch,
La Vénus en fourrure qui donna son titre à une superbe chanson du Velvet...). Severin raconte que, dans le studio où son groupe commençait l'enregistrement du premier album (
The Scream, 1978), "there were dozens of reels of two-inch tape stacked by the console window. They were recordings of Yes jam sessions that probably ended up as a quadruple album. My great regret is that I didn't have the foresight to run a magnet down them and erase everything. I could have saved the world a lot of pain" (p. 69).
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Il va sans dire que ce passage m'a fait beaucoup rire, car, évidemment, les Banshees sont l'antithèse du groupe progressif britannique YES, dont j'ai déjà eu des albums !
Aujourd'hui, en 2008, je considère que la musique de ce groupe est particulièrement hideuse ! Il faut dire que, même à l'époque où j'avais trois albums de Yes à la maison (comment ai-je pu réussir à dormir ?), je ne les aimais pas.
On (entendre : les musiciens avec qui je travaillais occasionnellement) m'avait répété que c'étaient de super-virtuoses, un groupe d'une densité incroyable, etc. En définitive, leur musicalité se bornait surtout à jouer des solos en même temps (l'un des buts : mettre le plus de notes possibles à la plus grande vitesse possible pour épater la galerie). Le claviériste Rick Wakeman reprenait des motifs de musique classique qu'il signait de son nom. Un public béat admirait donc son... talent... alors qu'il s'agissait de plagiat maladroit. On peut dire la même chose du claviériste KEITH EMERSON, de Emerson, Lake and Palmer, qui piqua à Bartok (compositeur classique) son
Allegro Barbaro, le rebaptisant
The Barbarian sur le premier album de son groupe... et le signant de son nom, sans faire nulle part mention du compositeur original. Bravo, champion !
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À l'époque, j'avais déjà l'impression que les "mélodies" de Yes étaient plutôt laides, que tout cela sentait l'effort, que c'était confus et d'une grande platitude. J'avais même l'album double
Tales from Topographic Oceans, un disque soporifique où les membres du groupe excellaient dans le domaine de la contre-performance. En définitive, on était bien éloigné du
danger, de
l'intensité et de
l'urgence qui sont souvent la clé du meilleur rock. Trop de calcul, trop de cérébralité, trop de conceptualisation, trop de tape-à-l'oeil. Peut-on être
ému en écoutant un disque de Yes ? (On peut, à la rigueur, ressentir un sentiment d'
horreur, mais ce n'est pas ce que je veux évoquer ici).
C'est avec grand soulagement que je pus revendre ces CD à je ne sais plus quel fan du genre. Qui sait s'il est parvenu à écouter ces albums à quelques reprises ?
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Constatant l'inexplicable bonne réputation du groupe auprès de certains fans de
classic-rock, je me suis même demandé si j'étais seul dans mon camp, jusqu'à ce que paraisse un article dans le
Rock & Folk d'août 2004. Le papier, signé Nicolas Ungemuth, s'intitulait
La Fête Yes. Il s'agissait d'un compte-rendu d'un spectacle donné au Zénith. Je craignais un éloge en règle du groupe, mais qu'allait-on pouvoir dire ? Que les musiciens jouaient vite...? Oui, mais à part ça ?
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Ungemuth raconte qu'il entend d'abord, en arrivant près du Zénith, un enfant de dix ans avec son oncle :
"
Tu sais, j'ai jamais vu de concert..." Pauvre gosse... Même pas dix ans qu'on le traîne à un concert de Yes. Après, on s'étonnera, on dira qu'il est lent à l'école, qu'il a du vague à l'âme [...]."
Ungemuth, qui a deux billets, essaie en vain de
donner son second billet sans trouver preneur ! Il entre quand même dans la salle :
"Là, c'est le choc ! C'est vide... Parsemé de gars [...]. D'autres sont carrément en famille. Le père sans cou, la mère sans cou et les nains sans cous... Un individu arbore un T-shirt
Dieu soit loué... Je suis perplexe. Un tour au bar révèle une caractéristique rarement étudiée du Yesman. Le Yesman ne boit pas des bières [...], il mange des sandwiches ! Avec une nette préférence pour les
thon mayonnaise. Des thon mayonnaise partent par dizaines, les Yesmen sont tout contents avec leurs sachets pleins de mie... L'un d'eux a un T-shirt
Quadrophenia, ce qui me conforte dans ma prime impression : cet album des Who a toujours été ignoble [...]. Jamais vu le Zénith aussi vide [...]. On peut aller toucher la scène en dix secondes, on peut se promener, on pourrait faire une partie d'échecs ! [...]
Soudain, une symphonie quelconque réveille cette masse et le voile se lève... Mince ! Quel décor ! Des anémones de mer en nylon jaune toutes gonflées sont là comme des gros champignons flottants tandis qu'une sorte de moule géante se lève et se transforme en crabe. Ces Yes [...] arrivent, terrifiants. Le guitariste [...] ressemble au valet bossu de Dracula, celui qui ouvre la porte en courbant l'échine. Le clavier est un spectre blond coiffé à la duguesclin et le chanteur a l'air directement sorti du groupe Toto avec un beau brushing et des mèches impeccables [...]. Mais c'est le bassiste qui est le plus remarquable. Une sorte de vilain géant avec une phénoménale
mullet (coupe Longueuil). On dirait un ancien footballeur yougoslave [...]. Toute cette fine équipe salue la salle presque vide et attaque fissa un morceau ignoble. C'est parti ! À côté de moi, un aimable quinquagénaire se lance immédiatement dans un solo de guitare invisible tandis que sa femme au fort tonnage l'observe avec un sourire attendri façon
vas-y chéri, ce soir c'est ta fête. Tout autour, ils sont plein à manger des sandwiches thon mayonnaise, les yeux écarquillés comme des lémuriens malgaches. Tout d'un coup, les anémones gonflantes se rapprochent de la batterie et font mine d'agiter des baguettes en rythme. Le public est médusé, n'en revient pas: on dirait des pygmées découvrant le cinéma".
Le reste de l'article est à l'avenant ! De quoi dédier
Ferme ta gueule à Jon Anderson !