Lors du festival international de la poésie de Trois-Rivières, Michel Châteauneuf évoquait la liste de ses 10 livres favoris, liste qu'il soumit jadis à ses collègues professeurs du Collège Laflèche. De fil en aiguille, Michel m'a suggéré de soumettre une telle liste sur un autre blogue auquel je collabore. Je l'ai fait, mais me restreindre à dix titres avait quelque chose d'attristant : cela ne permettait pas de commenter - et peut-être de faire connaître - d'autres coups de coeur. Le texte qui suit vise à remplir ce gouffre, au fur et à mesure que la clepsydre, elle, se vide.
Voici quelques jalons filmiques importants pour moi :
- VALÉRIE AU PAYS DES MERVEILLES (alias VALERIE AND HER WEEK OF WONDERS, alias VALERIE A TYDEN DIVU). 1970. Un film tchèque de Jaromil Jires. Une expérience magique, pour un film qui, décidément, est, lui aussi, magique.- MAIS NE NOUS DÉLIVREZ PAS DU MAL, film français de Joël Séria (1971). Un extraordinaire premier film. Les cinq premières minutes donnent le ton : deux collégiennes décident de vouer leur vie au mal, en notant leurs mauvaises actions dans un journal.
- THE WOMAN IN BLACK, téléfilm anglais de Herbert Wise (1989). Pour qui aime les histoires de fantômes, le visionnement de ce film méconnu s'impose. Il contient au moins deux scènes inoubliables. De quoi rendre caducs tous les films de fantômes japonais, RING y compris.
- UNE VIERGE CHEZ LES MORTS-VIVANTS, film du réalisateur espagnol Jess Franco (1971). Le titre absurde de ce film fut imposé par le producteur, l'oeuvre s'appelant au départ LA NUIT DES ÉTOILES FILANTES. Un film aussi étonnant que beau.- EUGÉNIE DE SADE de Jess Franco (1970). Franco est mon cinéaste favori, contre vents et marées. Cette adaptation "modern style" de Sade est une sorte de rêve éveillé doté d'une narration littéraire et poétique en voix-off.- LES DEUX ORPHELINES VAMPIRES, film français de Jean Rollin (1995). Une réussite du cinéma fantastique. Un film intelligent doté d'une sensibilité poétique rare, qui fait référence à tout ce que j'aime. La vie, ça devrait être ça.- L'ALLIANCE INVISIBLE, alias TUTTI I COLORI DEL BUIO alias ALL THE COLORS OF DARKNESS), film italien de Sergio Martino (1972). Il fallait ajouter une série B italienne à ma liste, et ce film cauchemardesque baigne dans un tel climat d'étrangeté lyrique qu'il devient incontournable pour moi.- LES CAUCHEMARS NAISSENT LA NUIT, encore de Jess Franco (1970). Une superbe claque onirique assénée avec deux sous en guise de budget. On a l'impression, pendant 90 minutes, d'errer dans un autre monde.- LA NUIT DU CHASSEUR, de Charles Laughton (1955), dérive poétique de deux enfants qui fuient un beau-père assassin.- IT'S A WONDERFUL LIFE (1946) de Frank Capra. Dans un genre difficile - le conte de Noël -, Capra réalise un film d'une facture fort moderne, très émouvant à mon avis. Il véhicule en plus un étonnant message (je n'aime habituellement pas les films "à thèse", mais celui-ci est tellement bien fait, et la thèse en question, tellement humaniste et belle...)- VENUS IN FURS, un autre Jess Franco remarquable, encore doté de cette indéfinissable atmosphère de rêve qui imprègne une bonne part de l'oeuvre de Franco. En dépit du titre (imposé par la production), le scénario n'a rien à voir avec Sacher-Masoch. Franco pose sur la femme un regard amoureux mais intelligent.- CIGARETTE BURNS, un téléfilm récent réalisé par John Carpenter, est l'un de ces scénarios que j'aurais voulu écrire : un collectionneur engage le propriétaire d'un cinéma pour trouver un film extrêmement rare intitulé LA FIN ABSOLUE DU MONDE. Ce film, que très peu de gens ont vu, provoque des réactions imprévisibles et inquiétantes lorsqu'on le regarde. Ça vous fait penser au RENDEZ-VOUS DES COURTISANS GLACÉS ? Moi aussi... mais le film fut réalisé APRÈS que mon livre paraisse ! Par la bande, il me rappelle ma quête de certains films rares et énigmatiques, comme LA GOULVE, de Mario Mercier.- LE LOCATAIRE de Roman Polanski. Le dernier Polanski qui m'a réellement impressionné. Un film halluciné et hallucinant qui décrit une lente descente dans la folie. Deux niveaux de lecture sont possibles, ce qui rend l'oeuvre encore plus énigmatique. À ranger à côté du Polanski "noir" première période, celui du film satanisant ROSEMARY'S BABY ou de RÉPULSION.- ROJO SANGRE de l'Espagnol Christian Molina. Découvert à Fant-Asia. Le film met en scène Paul Naschy, une icône du cinéma fantastique ibérique ayant joué dans plus de cent films dont énormément d'oeuvres qui relèvent d'un cinéma fantastique complètement dingue. ROJO SANGRE évoque le destin de ces artisans du cinéma des années 70 qu'on juge maintenant désuets, dans l'univers cheap de la télé-réalité et des stars instantanés. Naschy se montre teigneux et très actuel dans son propos, au service d'un scénario baroque et formidable.
- DEEP RED et SUSPIRIA, de l'Italien Dario Argento, sont des thrillers dont la mise en images est saisissante. SUSPIRIA se base sur une histoire que la grand-mère de l'actrice Daria Nicolodi lui racontait. C'est dire qu'on y développe un univers féminin à la fois magique et vénéneux.
- HOUSE OF WHIPCORD, THE CONFESSIONAL et FRIGHTMARE, trois thrillers du Britannique Pete Walker, avec une actrice incroyable : Sheila Keith, qui avait environ 55 ans au moment du tournage. Ambiance glauque et folie au menu.- RABID DOGS de Mario Bava, un thriller italien tourné en temps réel, qui relate une prise d'otages très inusitée. Fort efficace.- DEATH WISH, film américain des années 70. Le scénario est passe-partout (un homme s'improvise justicier dans une ville américaine en proie à la violence et au crime), mais l'ambiance d'une jungle urbaine sale et dangereuse ne s'oublie pas facilement. Dans le même genre, en plus glauque : VICE SQUAD.- LA GOUTTE D'EAU, de Mario Bava, court-métrage d'épouvante quasiment muet. Le genre de film qu'on regarde comme un rituel, avec, ensuite, l'envie de se livrer à une séance de spiritisme.- DELLAMORTE DELLAMORE, de Michele Soavi. Soavi est un réalisateur d'une inventivité incroyable. Ce conte philosophique est passé inaperçu, sans doute à cause de sa nationalité italienne. C'est pourtant un autre joyau qui alterne les moments de poésie pure avec l'outrance et le délire propres au cinéma italien.- LA BELLE CAPTIVE, d'Alain Robbe-Grillet. Mon "projet littéraire" croise parfois celui de Robbe-Grillet : métisser des matériaux de culture populaire avec une esthétique d'avant-garde et des éléments de "culture savante". LA BELLE CAPTIVE en est une illustration frappante.- L'ÉTERNITÉ POUR NOUS, du Français Jose Benazeraf. Comment réaliser un film qu'on sent sur le bord de l'explosion. Climat de tension et le regard formidable et perçant d'un acteur hélas à la retraite : Michel Lemoine, que j'ai eu la chance de rencontrer à quelques reprises.- LAST HOUSE ON DEAD END STREET, de Roger Watkins. Ce brulôt est au cinéma ce que l'anarchie est à la société : un concentré de nihilisme hargneux. Ce film maudit ne connut que des embrouilles. D'abord intitulé THE CUCKOO CLOCKS OF HELL, il durait 180 minutes. À cause d'un procès, Watkins ne put pas le sortir... Il fut racheté à son insu, rebaptisé LAST HOUSE ON DEAD END STREET (pour capitaliser sur le succès du film de Wes Craven THE LAST HOUSE ON THE LEFT)... et réduit à 75 minutes ! Watkins, pour payer son loyer et dans l'espoir de pouvoir financer un autre film, fut réduit à tourner des films pornographiques tout aussi nihilistes : HER NAME WAS LISA (la descente aux enfers d'une mannequin), CORRUPTION (fable sur l'idée de "vendre son âme") ou MIDNIGHT HEAT (Les dernières heures d'un tueur à gages dont on a mis la tête à prix). Les "cochons de payants" qui s'entassaient dans les salles crasseuses de la 42e avenue à New-York ont dû réprimer leurs pulsions à la vue de ces films "X" glauques et déprimants ! Watkins est mort récemment sans avoir pu réussir son comeback.La liste pourrait continuer assez longuement, j'imagine, avec des titres comme FASTER PUSSYCAT KILL ! KILL ! et sa horde de criminelles qui sèment la confusion dans un ranch américain, LE SEUIL DU VIDE, adaptation d'un roman de la collection "Angoisse" du Fleuve Noir... Mais il faut se garder des histoires à raconter, des tempêtes à arpenter et des rêves à vivre éveillé. D'autres s'y succéderont, ici...
30 septembre 2007
23 septembre 2007
Soyons décadents
"J'aime le mot de décadence tout miroitant de pourpre et d'ors. J'en révoque, bien entendu, toute imputation injurieuse et toute idée de déchéance. Ce mot suppose, au contraire, [...] une âme capable d'intensives voluptés. Il projette des éclats d'incendie et des lueurs de pierreries. Il est fait d'un mélange d'esprit charnel et de chair triste et de toutes les splendeurs violentes du bas-empire ; il respire le fard des courtisanes, les jeux du cirque, le souffle des belluaires, le bondissement des fauves, l'écroulement dans les flammes des races épuisées par la force de sentir au bruit envahissant des trompettes ennemies.
La décadence, c'est Sardanapale allumant le brasier au milieu de ses femmes, c'est Sénèque, s'ouvrant les veines en déclamant des vers, c'est Pétrone masquant de fleurs son agonie. [...] C'est l'art de mourir en beauté. [...] Nous pouvons faire une application ironique et nouvelle de ce mot, en y sous-entendant la nécessité de réagir par le délicat, le précieux, le rare, contre les platitudes des temps présents : même s'il était impossible de laver complètement le mot décadent de son mauvais sens, cette injure pittoresque, très automne, très soleil couchant, serait encore à ramasser, en somme !"
(Ernest Raynaud, "Les poètes décadents")
La décadence, c'est Sardanapale allumant le brasier au milieu de ses femmes, c'est Sénèque, s'ouvrant les veines en déclamant des vers, c'est Pétrone masquant de fleurs son agonie. [...] C'est l'art de mourir en beauté. [...] Nous pouvons faire une application ironique et nouvelle de ce mot, en y sous-entendant la nécessité de réagir par le délicat, le précieux, le rare, contre les platitudes des temps présents : même s'il était impossible de laver complètement le mot décadent de son mauvais sens, cette injure pittoresque, très automne, très soleil couchant, serait encore à ramasser, en somme !"
(Ernest Raynaud, "Les poètes décadents")
20 septembre 2007
Le mystère n'est pas mort !
Récemment, la collection "Folioplus clasiques" a réédité l'ouvrage surréaliste Nadja d'André Breton, dans une édition commentée par Dominique Carlat, professeur à l'Université Lyon 2.
L'une des sections du dossier qui fait suite au texte de Breton a particulièrement retenu mon attention : "Une promenade ouverte au merveilleux quotidien".
Voici ce qu'on peut y lire :
"Le désir d'André Breton, lorsqu'il rédige [...] Nadja, est de partager avec ses lecteurs [...] un témoignage portant sur une période de son existence qui a été traversée d'épisodes merveilleux. Le texte devient ainsi la preuve de la possibilité d'orienter sa vie de telle sorte qu'elle échappe au contrôle rationnel et acquiert une consistance poétique. Le récit illustre la présence concrète de la poésie dans l'existence quotidienne. Sa lecture est destinée à contaminer l'expérience du lecteur ; ce dernier est appelé à éprouver par lui-même comment sa vie sort des rails tracés par l'habitude."Breton raconte donc, notamment, plusieurs expériences étranges qui lui sont arrivées : une statue qui le rend systématiquement mal à l'aise, un après-midi où il se découvre une sorte de don de voyance aussi fulgurant qu'impossible à retrouver par la suite, le compte-rendu, également, d'une pièce de théâtre du grand-guignol fort bizarre, découverte plus ou au moins au hasard, dont le titre, Les détraquées, me fait regretter de ne pas pouvoir voyager dans l'espace et le temps pour y assister, aussi médusé que le reste de la salle.
Breton formule également l'idée, sans le dire explicitement, que TOUT PEUT ARRIVER. J'ai d'ailleurs eu une longue discussion à ce sujet avec un ami, jadis, échange qui n'aboutit à rien, comme d'habitude pour ce genre de conversations, chacun restant sur ses positions.L'auteur de Nadja, lui, écrit : "J'ai toujours incroyablement souhaité de rencontrer la nuit, dans un bois, une femme belle et nue, ou plutôt, un tel souhait une fois exprimé ne signifiant plus rien, je regrette incroyablement de ne pas l'avoir rencontrée. Supposer une telle rencontre n'est pas si délirant, somme toute : il se pourrait. Il me semble que tout se fût arrêté net, ah ! je n'en serais pas à écrire ce que j'écris. J'adore cette situation qui est, entre toutes, celle où il est probable que j'eusse le plus manqué de présence d'esprit. Je n'aurais même pas eu, je crois, celle de fuir."
Et on se plaît à imaginer, en effet, la possibilité d'apercevoir, tout à coup, quelque chose de vraiment impossible au sein du quotidien le plus banal : voir, par exemple, une plante géante en train de faire ses emplettes au supermarché (on imagine la suite, par exemple, cette plante géante et marchante en train de faire la queue en feuilletant une revue de décoration) ; vouloir retirer de l'argent au guichet automatique et voir des fleurs bizarres en sortir au lieu de billets de vingt dollars ; croiser le chat jaune un matin et qu'il se décide enfin à parler, en me faisant promettre, toutefois, de ne jamais révéler ce secret millénaire : les chats parlent.Ce ne sont que quelques exemples qui alimentent mes rêveries suffisamment pour que, l'espace de quelques minutes, elles prennent assez de force pour devenir presque réelles. Car, après tout, l'imagination crée les choses, n'est-ce pas ? C'est entre autres pour cela que la censure sanctionne parfois les oeuvres d'art, car sinon, qu'est-ce qu'un roman, sinon un amalgame de lettres et de mots ? Toutefois, les images qu'un ouvrage de fiction fait naître dans l'esprit du lecteur permet à celles-ci d'exister, dans un sas situé entre la réalité et les pensées du lecteur (je ne t'oublie pas, chère lectrice).
Et puis, il y a aussi ces dérapages du quotidien, qui durent plus ou moins longtemps, qui prouvent que l'existence peut être surréaliste. L'un de ces moments marquants m'a été raconté par Michel Châteauneuf. Un matin, il se réveille, encore endormi. C'est sa chatte, Anaïs Mine, qui a sauté sur son lit. Michel fronce les sourcils, car il croit halluciner : sa chatte a, dans la gueule, un des cigares que Michel aime fumer. Évidemment, il n'est pas allumé (ce qui aurait été comble), mais qu'importe : ce matin-là, Michel se fait réveiller par un chat qui "fume" le cigare. Admettons que ce n'est pas banal.
Mon enfance a été marquée par ce genre d'histoires. En tant qu'enfant, d'ailleurs, je démêlais difficilement la réalité de l'imagination, mais, encore une fois, ça n'a pas d'importance, car je vivais réellement ces événements...
Le temps passe, il se fait tard... Je m'arrête ici, en vous souhaitant, bien entendu, de belles surprises surréalistes qui, je l'espère, feront vibrer votre capacité d'émerveillement que trop d'aspects de la quotidienneté essaient d'étouffer jour après jour. Le mystère n'est pas mort, qu'on se le dise !
17 septembre 2007
Le voyage insolite
LE VOYAGE INSOLITE, c'est l'émission de radio hebdomadaire que j'anime. Diffusée sur les ondes du 89, 1 FM, LE VOYAGE INSOLITE traite de littérature et de cinéma, mais est essentiellement vouée à la culture rock, avec penchant pour le psychédélique.
Si vous habitez la région de la Mauricie, vous pouvez écouter cette émission par le biais du 89, 1 FM. Sinon, l'émission est diffusée sur Internet via le site web du 89, 1 FM : www.cfou.ca (cliquez sur "EN DIRECT" - à gauche, parmi les options du menu de la page d'ouverture du 89, 1 FM).
Diffusions : lundi de 19 heures à 20 heures
samedi de 15 heures à 16 heures
Au plaisir,
Frédérick
Si vous habitez la région de la Mauricie, vous pouvez écouter cette émission par le biais du 89, 1 FM. Sinon, l'émission est diffusée sur Internet via le site web du 89, 1 FM : www.cfou.ca (cliquez sur "EN DIRECT" - à gauche, parmi les options du menu de la page d'ouverture du 89, 1 FM).
Diffusions : lundi de 19 heures à 20 heures
samedi de 15 heures à 16 heures
Au plaisir,
Frédérick
16 septembre 2007
Dave Dee, Dozy, Beaky, Mick & Tich
Peut-on croire que ce groupe des années 60 ait fait carrière avec un nom pareil ?
Le réalisateur Quentin Tarantino a tiré leur musique du néant dans lequel elle dépérissait. Voici ce joyau sixties pour vous.
Le réalisateur Quentin Tarantino a tiré leur musique du néant dans lequel elle dépérissait. Voici ce joyau sixties pour vous.
09 septembre 2007
Le sublime et la beauté - réflexions sur l'esthétique gothique
Après avoir donné la "recette" du roman noir, je vous invite aujourd'hui à partager avec moi quelques réflexions glanées dans l'ouvrage de Gavin Baddeley, Gothic : la culture des ténèbres (Denoël) :
"Le concept de camp (en français, ce qui s'en rapproche le plus est le dandysme) est essentiel pour qui souhaite appréhender l'esthétique gothique […]. En vérité, l'essence du camp réside dans son attachement à tout ce qui est affecté, artificiel, exagéré. Il s'agit […] d'un amour pour tout ce qui est outrancier, du côté décalé des choses-qui-sont-ce-qu'elles-ne-sont-pas… Le camp équivaut à toujours appréhender le monde d'un point de vue esthétique. Il incarne la victoire du "style" sur le "contenu", de l'"esthétique" sur la "moralité" […]. La personnalité camp aborde avec gravité quelques questions apparemment triviales alors qu'elle considère le cœur léger certains problèmes sérieux […]"J'ai trouvé ces réflexions assez intéressantes, reconnaissant ma démarche sur plusieurs plans. Les habitués de cette page personnelle savent par exemple que j'apprécie un certain cinéma dépourvu de budget, un cinéma "bis", marginal, sauvage, hors-normes, où l'esthétique et le style priment. Le cinéma est une affaire d'argent, mais les films de série B parviennent à s'extraire du moule parce qu'ils ne coûtent pas cher... Le réalisateur n'a donc pas besoin de justifier sans cesse sa démarche auprès d'un producteur avide de rentabilité. C'est qu'à Hollywood (Mecque du cinéma commercial... et non de la série B, bien sûr), il faut que ce soit payant... On veille donc à niveler, à ménager certaines sensibilités (on tourne 3 fins et on garde celle que le public préfère, on fait du placement de produit, changeant l'oeuvre d'art en pub déguisée, les scénarios sont supervisés par des analystes en marketing, on donne dans la démagogie et les bons sentiments. Résultat : un brouet infâme et imbuvable). Bien sûr, on me dira qu'il existe un cinéma de répertoire de qualité, mais j'ai tendance à croire qu'il pêche par excès contraire. Si la forme est belle, le contenu, lui, est très souvent pénible et pontifiant : "Mon film veut prouver que le problème du couple moderne est l'incommunicabilité", "C'est une allégorie sur la société de consommation", etc. En bref, cette fois, on veut séduire les critiques et un public supposément raffiné en faisant du cinéma "intelligent", qui véhicule un message. Mais est-ce le but du cinéma ? Personnellement, j'en doute... À mon sens, cela relève plus de l'essai, du journalisme, de la philosophie, mais pas du cinéma... ou de la littérature dite narrative. Ce qui ne veut pas dire que la littérature doit se borner à divertir.Donc, le camp fait prévaloir l'esthétique sur la moralité (opinion que j'endosse), impose un style fort qui DEVIENT le contenu et renverse certaines valeurs.
Gavin Baddeley, suite:
"Pour en revenir à la [culture] goth d'aujourd'hui, la société dominante considère comme suspect tout intérêt porté à l'interdit et au mystère, toute propension à la sensibilité, à l'introspection et au noctambulisme, bref tout ce qui caractérise le mouvement […]. Quand les gens vous qualifient moqueusement de vampire ou de sorcière, pourquoi ne pas leur couper l'herbe sous le pied en endossant le rôle avec délectation ?
Les premiers auteurs gothiques de la fin du XVIIIe siècle et du début du XIXe siècle affichèrent le goût pour ce que l'un d'eux, Horace Walpole, qualifia de "mélancolie" des ruines gothiques et des superstitions médiévales.
Pourquoi des choses monstrueuses devraient-elles nous plaire ? […] C'est dans une brochure de 1756, rédigée par le politicien et philosophe Edmund Burke et intitulée Recherche philosophique sur l'origine de nos idées du Sublime et du Beau, que les auteurs gothiques trouvèrent la première grande justification de leur corpus. Pour Burke, deux idéaux s'affrontent : d'une part, le Beau conventionnel, qui nous attire en combinant ordre et culture classique ; d'autre part, ce qu'il nomme le "Sublime", violent, effrayant et captivant, concept qui fut par la suite associé à la culture gothique. Une clairière ensoleillée dans les bois peut être qualifiée de belle, alors qu'un cimetière abandonné sous un orage déchaîné incarne le sublime. La beauté séduit en contentant le spectateur, alors que le sublime stimule en le dérangeant ou en le submergeant."
Et c'est justement par ce choc que la littérature noire fait réfléchir le lecteur, par lui-même, sans le tenir par le main. Si nous sommes choqués par un film, c'est qu'il remet certaines de nos limites en question. S'interroger sur ces limites, c'est le début d'une réflexion critique qui nous situe dans le monde en tant qu'individu doté d'une sensibilité personnelle...Je pourrais continuer longtemps ainsi, mais mon but aujourd'hui n'était pas d'écrire une somme philosophique sur la question. Il s'agissait plutôt de poser certains jalons de réflexion pour accompagner votre voyage insolite sur ce blogue.
"Le concept de camp (en français, ce qui s'en rapproche le plus est le dandysme) est essentiel pour qui souhaite appréhender l'esthétique gothique […]. En vérité, l'essence du camp réside dans son attachement à tout ce qui est affecté, artificiel, exagéré. Il s'agit […] d'un amour pour tout ce qui est outrancier, du côté décalé des choses-qui-sont-ce-qu'elles-ne-sont-pas… Le camp équivaut à toujours appréhender le monde d'un point de vue esthétique. Il incarne la victoire du "style" sur le "contenu", de l'"esthétique" sur la "moralité" […]. La personnalité camp aborde avec gravité quelques questions apparemment triviales alors qu'elle considère le cœur léger certains problèmes sérieux […]"J'ai trouvé ces réflexions assez intéressantes, reconnaissant ma démarche sur plusieurs plans. Les habitués de cette page personnelle savent par exemple que j'apprécie un certain cinéma dépourvu de budget, un cinéma "bis", marginal, sauvage, hors-normes, où l'esthétique et le style priment. Le cinéma est une affaire d'argent, mais les films de série B parviennent à s'extraire du moule parce qu'ils ne coûtent pas cher... Le réalisateur n'a donc pas besoin de justifier sans cesse sa démarche auprès d'un producteur avide de rentabilité. C'est qu'à Hollywood (Mecque du cinéma commercial... et non de la série B, bien sûr), il faut que ce soit payant... On veille donc à niveler, à ménager certaines sensibilités (on tourne 3 fins et on garde celle que le public préfère, on fait du placement de produit, changeant l'oeuvre d'art en pub déguisée, les scénarios sont supervisés par des analystes en marketing, on donne dans la démagogie et les bons sentiments. Résultat : un brouet infâme et imbuvable). Bien sûr, on me dira qu'il existe un cinéma de répertoire de qualité, mais j'ai tendance à croire qu'il pêche par excès contraire. Si la forme est belle, le contenu, lui, est très souvent pénible et pontifiant : "Mon film veut prouver que le problème du couple moderne est l'incommunicabilité", "C'est une allégorie sur la société de consommation", etc. En bref, cette fois, on veut séduire les critiques et un public supposément raffiné en faisant du cinéma "intelligent", qui véhicule un message. Mais est-ce le but du cinéma ? Personnellement, j'en doute... À mon sens, cela relève plus de l'essai, du journalisme, de la philosophie, mais pas du cinéma... ou de la littérature dite narrative. Ce qui ne veut pas dire que la littérature doit se borner à divertir.Donc, le camp fait prévaloir l'esthétique sur la moralité (opinion que j'endosse), impose un style fort qui DEVIENT le contenu et renverse certaines valeurs.
Gavin Baddeley, suite:
"Pour en revenir à la [culture] goth d'aujourd'hui, la société dominante considère comme suspect tout intérêt porté à l'interdit et au mystère, toute propension à la sensibilité, à l'introspection et au noctambulisme, bref tout ce qui caractérise le mouvement […]. Quand les gens vous qualifient moqueusement de vampire ou de sorcière, pourquoi ne pas leur couper l'herbe sous le pied en endossant le rôle avec délectation ?
Les premiers auteurs gothiques de la fin du XVIIIe siècle et du début du XIXe siècle affichèrent le goût pour ce que l'un d'eux, Horace Walpole, qualifia de "mélancolie" des ruines gothiques et des superstitions médiévales.
Pourquoi des choses monstrueuses devraient-elles nous plaire ? […] C'est dans une brochure de 1756, rédigée par le politicien et philosophe Edmund Burke et intitulée Recherche philosophique sur l'origine de nos idées du Sublime et du Beau, que les auteurs gothiques trouvèrent la première grande justification de leur corpus. Pour Burke, deux idéaux s'affrontent : d'une part, le Beau conventionnel, qui nous attire en combinant ordre et culture classique ; d'autre part, ce qu'il nomme le "Sublime", violent, effrayant et captivant, concept qui fut par la suite associé à la culture gothique. Une clairière ensoleillée dans les bois peut être qualifiée de belle, alors qu'un cimetière abandonné sous un orage déchaîné incarne le sublime. La beauté séduit en contentant le spectateur, alors que le sublime stimule en le dérangeant ou en le submergeant."
Et c'est justement par ce choc que la littérature noire fait réfléchir le lecteur, par lui-même, sans le tenir par le main. Si nous sommes choqués par un film, c'est qu'il remet certaines de nos limites en question. S'interroger sur ces limites, c'est le début d'une réflexion critique qui nous situe dans le monde en tant qu'individu doté d'une sensibilité personnelle...Je pourrais continuer longtemps ainsi, mais mon but aujourd'hui n'était pas d'écrire une somme philosophique sur la question. Il s'agissait plutôt de poser certains jalons de réflexion pour accompagner votre voyage insolite sur ce blogue.
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