15 décembre 2007

À L'INTENTION DES OMBRES : développements

Voici la page couverture du recueil de nouvelles à paraître cet hiver.

Le résumé que vous trouverez en 4e de couverture va comme suit :

"Dans ce recueil de nouvelles noires et insolites, vous rencontrerez des personnages en proie aux ombres. Fantasmées, réelles, provoquées, imprévues, amicales ou inquiétantes, elles n’en sont pas moins cachées quelque part, prêtes à surgir.

Toutes les causes sont bonnes pour les libérer : quitter son emploi en insultant son patron, visiter la maison où l’on a passé son enfance, présenter sa nouvelle compagne à un cercle d’amis dont les intérêts n’ont rien de rassurant, aller déboucher un évier chez une ancienne flamme, vouloir faire le ménage de sa remise, relever un défi bizarre en échange d’une somme appréciable…

On fait un pas, puis deux, et soudain, le manteau de la nuit nous recouvre… Alors, en désespoir de cause, on peut faire une dernière prière, une prière à l’intention des ombres…"

04 décembre 2007

REEFER MADNESS

Après vous avoir parlé d'un film anti-drogue des années 30, MARIHUANA, j'ai décidé de persévérer dans cette voie enfumée en vous offrant aujourd'hui de découvrir un classique du genre, j'ai nommé REEFER MADNESS de Louis J. Garnier (1936). Suivons donc la chute mélodramatique d'un jeune homme de bonne famille, épris d'une étudiante modèle. Le frère de celle-ci succombe hélas aux invitations du bellâtre Ralph, qui fréquente un vendeur de drogue. Après divers intermèdes charmants (exacerbations érotiques, conduite dangereuse, etc.), il faut faire place à la tragédie... Comme dans la vie. À bien y penser, REEFER MADNESS est un constat lucide sur l'existence humaine et ses aléas !

1936 n'est guère une année qu'on associe au psychédélisme... Décalage, décalage !

Encore une fois, la leçon morale de REEFER MADNESS n'est qu'un prétexte pour cinéaste en mal d'exploitation : la prétendue mission "éducative" permettait de montrer à l'écran des images de dépravation, de meurtre et de folie. Sombrons donc avec les protagonistes au sein de déviances inavouables, et puisque la drogue sert de bouc-émissaire, rejetons toute responsabilité.Berné par l'argument type ("il faut faire peur au public en lui montrant des images fortes qui lui fera fuir la drogue et ses ravages"), le comité de censure américain fermera les yeux.

L'autre aspect, c'est celui des Roadshows : tel un cirque, une petite troupe circule de ville en ville, s'arrangeant avec les propriétaires de salles pour des projections improvisées pendant lesquelles ils vendent des livres d'information au contenu plus ou moins rigoureux, etc.Reefer Madness prône la thèse risible d'après laquelle la marijuana, en plus de créer une très forte dépendance, conduit au meurtre, à la démence, et à des actes d'une violence grave. On ne regardera donc pas ce film dans le but d'obtenir une information sérieuse et valable sur le sujet, mais plus comme un témoignage historique signalant hélas la désinformation tolérée (voire valorisée) par les autorités américaines de l'époque, dans le but de parvenir à inculquer une certaine idéologie auprès de la population.Dans le même style, MARIHUANA est certainement plus amusant, mais REEFER MADNESS demeure un classique psychotronique qui se laisse regarder avec un certain sourire, vu ses outrances : il faut voir, à titre d'exemple, ce pianiste déchaîné qui joue d'un air halluciné après avoir trop fumé…! Le public a dû être traumatisé - tant d'années de leçons de piano pour en arriver là !

28 octobre 2007

Pour quelques messages de plus...

Je ne saurais trop vous conseiller le dernier album de SIOUXSIE (ex SIOUXSIE & THE BANSHEES), "MANTARAY", un très beau retour en force que cet excellent album, peut-être mon préféré parmi les parutions de 2007. Tour à tour flamboyant, retenu, intimiste ou intense, gothique ou aérien (étonnante bossa-nova qui surgit tout à coup vers la fin de l'album)... Sachant que la carrière musicale de Siouxsie a commencé dans les années 70, sachant aussi que le rock, très souvent, relève de la combustion spontanée - et donc que les meilleurs albums des musiciens rock paraissent généralement au début de leur carrière -, ce disque est une très belle surprise...

11 octobre 2007

À moitié mort / Victor Hugo délire

Le vendredi 28 septembre dernier je vais porter mon CV au Cégep de Trois-Rivières pour une banque d’emplois : on cherche des chargés de cours pour janvier 2008.

Le lundi 1er octobre suivant, on me convoque pour une entrevue. Il est question d’un remplacement à pied levé si je suis retenu. Lundi soir à 20 heures 30, de retour d’animer mon émission de radio « Le voyage insolite », j’ai un message sur mon répondeur : je commence mardi (le 2) à 8 heures a.m.

Le reste est une course folle que les mots ne sauraient rendre. Temps plein. Paperasseries diverses. Prendre connaissance des documents produits par le professeur que je remplace. Lectures des œuvres mises au programme, etc. Ça a l’air simple, résumé ainsi. La réalité est tout le contraire. À travers ça, une conférence dans le cadre du Festival du roman historique de St-Hyacinthe et une conférence (de 3 heures 15) à l’UQTR. Et j’en oublie, de surcroît, sans noter une foule d’autres petits ennuis quotidiens dont le degré de perturbation varie. Sans entrer dans les détails, je peux dire que 2007 est une année que je n’oublierai pas, et qui n'a rien à voir avec cette image : L’une des deux œuvres mises au programme, LE DERNIER JOUR D’UN CONDAMNÉ, de Victor Hugo, contient des moments de surréalisme involontaire assez étonnants.

Un échantillon, à propos de la guillotine :
« – Ils disent que ce n’est rien, qu’on ne souffre pas, que c’est une fin douce, que la mort de cette façon est bien simplifiée […]. Qui le leur a dit ? Conte-t-on que jamais une tête coupée se soit dressée sanglante au bord du panier, et qu’elle ait crié au peuple :
– Cela ne fait pas mal. »Ou ce passage surprenant, dans lequel le narrateur imagine la vie après la mort : « En m’éveillant après le coup, je me trouverai peut-être sur quelque surface plane et humide, rampant dans l’obscurité et tournant sur moi-même comme une tête qui roule. Il me semble qu’il y aura un grand vent qui me poussera, et que je serai heurté çà et là par d’autres têtes roulantes. Il y aura par places des mares et des ruisseaux d’un liquide inconnu et tiède : tout sera noir. Quand mes yeux, dans leur rotation, seront tournés en haut, ils ne verront qu’un ciel sombre, dont les couches épaisses pèseront sur eux, et au loin dans le fond de grandes arches de fumées plus noires que les ténèbres. Il verront aussi voltiger dans la nuit de petites étincelles rouges qui, en s’approchant, deviendront des oiseaux de feu. Et ce sera ainsi toute l’éternité ».Encore plus fou :
« Il se peut bien aussi qu’à certaines dates, les morts de la Grève se rassemblent par de noires nuits d’hiver sur la place qui est à eux. Ce sera une foule pâle et sanglante, et je n’y manquerai pas. Il n’y aura pas de lune, et l’on parlera à voix basse. L’hôtel de ville sera là, avec sa façade vermoulue, son toit déchiqueté, et son cadran qui aura été sans pitié pour tous. Il y aura sur la place une guillotine de l’enfer, où un démon exécutera un bourreau : ce sera à quatre heures du matin. À notre tour, nous ferons foule autour.
Il est probable que cela est ainsi. Mais si ces morts-là reviennent, sous quelle forme reviennent-ils ? Que gardent-ils de leur corps incomplet et mutilé ? Que choisissent-ils ? Est-ce la tête ou le tronc qui est spectre? »

Quelle question, en vérité.

Plus loin, Hugo raconte un rêve délirant dans lequel il trouve, cachée derrière la porte de son armoire ouverte, une « petite vieille, les mains pendantes, les yeux fermées, immobile, debout et comme collée dans l’angle du mur ». L’étonnante apparition refuse de répondre à ses questions. Pour la faire parler, il approche une bougie de son menton…

Savourez cette finale :

« Alors, elle a ouvert ses deux yeux lentement, nous a regardés tous les uns après les autres, puis, se baissant brusquement, a soufflé la bougie avec un souffle glacé. Au même moment, j’ai senti trois dents aiguës s’imprimer sur ma main, dans les ténèbres ».

Efficace, non ?

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Jeudi prochain (le 18) à la Chasse-Galerie de l’UQTR (Bar/café), joute d’improvisation musicale dont je ferai partie. Ça commence à 21 heures.

07 octobre 2007

Cry me a river...

J'ai beaucoup pensé à cette chanson de Julie London, hier.J'ai connu Julie London par le film THE GIRL CAN'T HELP IT ; elle y chante CRY ME A RIVER. Dans THE GIRL CAN'T HELP IT, préfiguration des stars instantanées qui prolifèrent de nos jours, Jayne Mansfield incarne une "chanteuse" dépourvue de talent que son riche amoureux tient absolument à imposer au grand public avec l'aide d'un manager doué mais alcoolique.

Jayne Mansfield : On entend CRY ME A RIVER au milieu du film, alors que le manager en question, complètement ivre, rentre dans son grand appartement vide... S'ensuit une séquence de rêve éveillé où ses fantômes personnels le hantent littéralement.

Jayne et son manager : Beaucoup d'albums de Julie London possèdent une mélancolie feutrée, distillant un effet à la fois cotonneux et bizarrement nostalgique, comme une ville nocturne enveloppée par une nappe de brouillard dense et chaude.Afin de partager cette chanson avec vous, j'ai fait quelques recherches, au terme desquelles j'ai trouvé ce montage réalisé à partir d'extraits du film de Polanski BITTER MOON. Si j'avais eu à me charger du montage, j'aurais choisi des scènes encore plus "crèvecoeur", mais le résultat est néanmoins satisfaisant et il offre l'avantage de faire entendre la chanson tout en permettant d'en lire les paroles. Vous pouvez maintenant laisser la tour mélancolique de Julie London se dresser chez vous pour déverser ses charmes noirs et rouges par les meurtrières qui en percent les flancs.

06 octobre 2007

Jardin d'automne / collage

Gainsbourg : dépression au-dessus du jardin (extrait / fragment)

Dépression au-dessus du jardin
Ton expression est au chagrin
Tu as lâché ma main
Comme si de rien
N'était de l'été c'est la fin
Les fleurs ont perdu leurs parfums
Qu'emporte un à un
Le temps assassinShe's a mystery to me
She's a Mystery Girl (chanson de Roy Orbison)Et un fragment de l'un de mes textes à paraître dans le recueil LOCOLEIMOTIVE :

"tu serais ma vamp décolorée ma vamp écornée
au milieu des allées ton fémur à la main
tu serais mon spectre ma châtelaine de la Mi-nuit
ma vamp démodée qu’on brade pour 25 cents

à la fin
je prendrais ton crâne pour lui chuchoter des mots d’amour à l’oreille""Triste comme un cimetière par un matin d'automne"

30 septembre 2007

Le cinéma comme porte d'entrée dans un autre monde

Lors du festival international de la poésie de Trois-Rivières, Michel Châteauneuf évoquait la liste de ses 10 livres favoris, liste qu'il soumit jadis à ses collègues professeurs du Collège Laflèche. De fil en aiguille, Michel m'a suggéré de soumettre une telle liste sur un autre blogue auquel je collabore. Je l'ai fait, mais me restreindre à dix titres avait quelque chose d'attristant : cela ne permettait pas de commenter - et peut-être de faire connaître - d'autres coups de coeur. Le texte qui suit vise à remplir ce gouffre, au fur et à mesure que la clepsydre, elle, se vide.

Voici quelques jalons filmiques importants pour moi :

- VALÉRIE AU PAYS DES MERVEILLES (alias VALERIE AND HER WEEK OF WONDERS, alias VALERIE A TYDEN DIVU). 1970. Un film tchèque de Jaromil Jires. Une expérience magique, pour un film qui, décidément, est, lui aussi, magique.- MAIS NE NOUS DÉLIVREZ PAS DU MAL, film français de Joël Séria (1971). Un extraordinaire premier film. Les cinq premières minutes donnent le ton : deux collégiennes décident de vouer leur vie au mal, en notant leurs mauvaises actions dans un journal.
- THE WOMAN IN BLACK, téléfilm anglais de Herbert Wise (1989). Pour qui aime les histoires de fantômes, le visionnement de ce film méconnu s'impose. Il contient au moins deux scènes inoubliables. De quoi rendre caducs tous les films de fantômes japonais, RING y compris.
- UNE VIERGE CHEZ LES MORTS-VIVANTS, film du réalisateur espagnol Jess Franco (1971). Le titre absurde de ce film fut imposé par le producteur, l'oeuvre s'appelant au départ LA NUIT DES ÉTOILES FILANTES. Un film aussi étonnant que beau.- EUGÉNIE DE SADE de Jess Franco (1970). Franco est mon cinéaste favori, contre vents et marées. Cette adaptation "modern style" de Sade est une sorte de rêve éveillé doté d'une narration littéraire et poétique en voix-off.- LES DEUX ORPHELINES VAMPIRES, film français de Jean Rollin (1995). Une réussite du cinéma fantastique. Un film intelligent doté d'une sensibilité poétique rare, qui fait référence à tout ce que j'aime. La vie, ça devrait être ça.- L'ALLIANCE INVISIBLE, alias TUTTI I COLORI DEL BUIO alias ALL THE COLORS OF DARKNESS), film italien de Sergio Martino (1972). Il fallait ajouter une série B italienne à ma liste, et ce film cauchemardesque baigne dans un tel climat d'étrangeté lyrique qu'il devient incontournable pour moi.- LES CAUCHEMARS NAISSENT LA NUIT, encore de Jess Franco (1970). Une superbe claque onirique assénée avec deux sous en guise de budget. On a l'impression, pendant 90 minutes, d'errer dans un autre monde.- LA NUIT DU CHASSEUR, de Charles Laughton (1955), dérive poétique de deux enfants qui fuient un beau-père assassin.- IT'S A WONDERFUL LIFE (1946) de Frank Capra. Dans un genre difficile - le conte de Noël -, Capra réalise un film d'une facture fort moderne, très émouvant à mon avis. Il véhicule en plus un étonnant message (je n'aime habituellement pas les films "à thèse", mais celui-ci est tellement bien fait, et la thèse en question, tellement humaniste et belle...)- VENUS IN FURS, un autre Jess Franco remarquable, encore doté de cette indéfinissable atmosphère de rêve qui imprègne une bonne part de l'oeuvre de Franco. En dépit du titre (imposé par la production), le scénario n'a rien à voir avec Sacher-Masoch. Franco pose sur la femme un regard amoureux mais intelligent.- CIGARETTE BURNS, un téléfilm récent réalisé par John Carpenter, est l'un de ces scénarios que j'aurais voulu écrire : un collectionneur engage le propriétaire d'un cinéma pour trouver un film extrêmement rare intitulé LA FIN ABSOLUE DU MONDE. Ce film, que très peu de gens ont vu, provoque des réactions imprévisibles et inquiétantes lorsqu'on le regarde. Ça vous fait penser au RENDEZ-VOUS DES COURTISANS GLACÉS ? Moi aussi... mais le film fut réalisé APRÈS que mon livre paraisse ! Par la bande, il me rappelle ma quête de certains films rares et énigmatiques, comme LA GOULVE, de Mario Mercier.- LE LOCATAIRE de Roman Polanski. Le dernier Polanski qui m'a réellement impressionné. Un film halluciné et hallucinant qui décrit une lente descente dans la folie. Deux niveaux de lecture sont possibles, ce qui rend l'oeuvre encore plus énigmatique. À ranger à côté du Polanski "noir" première période, celui du film satanisant ROSEMARY'S BABY ou de RÉPULSION.- ROJO SANGRE de l'Espagnol Christian Molina. Découvert à Fant-Asia. Le film met en scène Paul Naschy, une icône du cinéma fantastique ibérique ayant joué dans plus de cent films dont énormément d'oeuvres qui relèvent d'un cinéma fantastique complètement dingue. ROJO SANGRE évoque le destin de ces artisans du cinéma des années 70 qu'on juge maintenant désuets, dans l'univers cheap de la télé-réalité et des stars instantanés. Naschy se montre teigneux et très actuel dans son propos, au service d'un scénario baroque et formidable.
- DEEP RED et SUSPIRIA, de l'Italien Dario Argento, sont des thrillers dont la mise en images est saisissante. SUSPIRIA se base sur une histoire que la grand-mère de l'actrice Daria Nicolodi lui racontait. C'est dire qu'on y développe un univers féminin à la fois magique et vénéneux.
- HOUSE OF WHIPCORD, THE CONFESSIONAL et FRIGHTMARE, trois thrillers du Britannique Pete Walker, avec une actrice incroyable : Sheila Keith, qui avait environ 55 ans au moment du tournage. Ambiance glauque et folie au menu.- RABID DOGS de Mario Bava, un thriller italien tourné en temps réel, qui relate une prise d'otages très inusitée. Fort efficace.- DEATH WISH, film américain des années 70. Le scénario est passe-partout (un homme s'improvise justicier dans une ville américaine en proie à la violence et au crime), mais l'ambiance d'une jungle urbaine sale et dangereuse ne s'oublie pas facilement. Dans le même genre, en plus glauque : VICE SQUAD.- LA GOUTTE D'EAU, de Mario Bava, court-métrage d'épouvante quasiment muet. Le genre de film qu'on regarde comme un rituel, avec, ensuite, l'envie de se livrer à une séance de spiritisme.- DELLAMORTE DELLAMORE, de Michele Soavi. Soavi est un réalisateur d'une inventivité incroyable. Ce conte philosophique est passé inaperçu, sans doute à cause de sa nationalité italienne. C'est pourtant un autre joyau qui alterne les moments de poésie pure avec l'outrance et le délire propres au cinéma italien.- LA BELLE CAPTIVE, d'Alain Robbe-Grillet. Mon "projet littéraire" croise parfois celui de Robbe-Grillet : métisser des matériaux de culture populaire avec une esthétique d'avant-garde et des éléments de "culture savante". LA BELLE CAPTIVE en est une illustration frappante.- L'ÉTERNITÉ POUR NOUS, du Français Jose Benazeraf. Comment réaliser un film qu'on sent sur le bord de l'explosion. Climat de tension et le regard formidable et perçant d'un acteur hélas à la retraite : Michel Lemoine, que j'ai eu la chance de rencontrer à quelques reprises.- LAST HOUSE ON DEAD END STREET, de Roger Watkins. Ce brulôt est au cinéma ce que l'anarchie est à la société : un concentré de nihilisme hargneux. Ce film maudit ne connut que des embrouilles. D'abord intitulé THE CUCKOO CLOCKS OF HELL, il durait 180 minutes. À cause d'un procès, Watkins ne put pas le sortir... Il fut racheté à son insu, rebaptisé LAST HOUSE ON DEAD END STREET (pour capitaliser sur le succès du film de Wes Craven THE LAST HOUSE ON THE LEFT)... et réduit à 75 minutes ! Watkins, pour payer son loyer et dans l'espoir de pouvoir financer un autre film, fut réduit à tourner des films pornographiques tout aussi nihilistes : HER NAME WAS LISA (la descente aux enfers d'une mannequin), CORRUPTION (fable sur l'idée de "vendre son âme") ou MIDNIGHT HEAT (Les dernières heures d'un tueur à gages dont on a mis la tête à prix). Les "cochons de payants" qui s'entassaient dans les salles crasseuses de la 42e avenue à New-York ont dû réprimer leurs pulsions à la vue de ces films "X" glauques et déprimants ! Watkins est mort récemment sans avoir pu réussir son comeback.La liste pourrait continuer assez longuement, j'imagine, avec des titres comme FASTER PUSSYCAT KILL ! KILL ! et sa horde de criminelles qui sèment la confusion dans un ranch américain, LE SEUIL DU VIDE, adaptation d'un roman de la collection "Angoisse" du Fleuve Noir... Mais il faut se garder des histoires à raconter, des tempêtes à arpenter et des rêves à vivre éveillé. D'autres s'y succéderont, ici...

23 septembre 2007

Soyons décadents

"J'aime le mot de décadence tout miroitant de pourpre et d'ors. J'en révoque, bien entendu, toute imputation injurieuse et toute idée de déchéance. Ce mot suppose, au contraire, [...] une âme capable d'intensives voluptés. Il projette des éclats d'incendie et des lueurs de pierreries. Il est fait d'un mélange d'esprit charnel et de chair triste et de toutes les splendeurs violentes du bas-empire ; il respire le fard des courtisanes, les jeux du cirque, le souffle des belluaires, le bondissement des fauves, l'écroulement dans les flammes des races épuisées par la force de sentir au bruit envahissant des trompettes ennemies.

La décadence, c'est Sardanapale allumant le brasier au milieu de ses femmes, c'est Sénèque, s'ouvrant les veines en déclamant des vers, c'est Pétrone masquant de fleurs son agonie. [...] C'est l'art de mourir en beauté. [...] Nous pouvons faire une application ironique et nouvelle de ce mot, en y sous-entendant la nécessité de réagir par le délicat, le précieux, le rare, contre les platitudes des temps présents : même s'il était impossible de laver complètement le mot décadent de son mauvais sens, cette injure pittoresque, très automne, très soleil couchant, serait encore à ramasser, en somme !"

(Ernest Raynaud, "Les poètes décadents")

20 septembre 2007

Le mystère n'est pas mort !


Récemment, la collection "Folioplus clasiques" a réédité l'ouvrage surréaliste Nadja d'André Breton, dans une édition commentée par Dominique Carlat, professeur à l'Université Lyon 2.

L'une des sections du dossier qui fait suite au texte de Breton a particulièrement retenu mon attention : "Une promenade ouverte au merveilleux quotidien".

Voici ce qu'on peut y lire :

"Le désir d'André Breton, lorsqu'il rédige [...] Nadja, est de partager avec ses lecteurs [...] un témoignage portant sur une période de son existence qui a été traversée d'épisodes merveilleux. Le texte devient ainsi la preuve de la possibilité d'orienter sa vie de telle sorte qu'elle échappe au contrôle rationnel et acquiert une consistance poétique. Le récit illustre la présence concrète de la poésie dans l'existence quotidienne. Sa lecture est destinée à contaminer l'expérience du lecteur ; ce dernier est appelé à éprouver par lui-même comment sa vie sort des rails tracés par l'habitude."Breton raconte donc, notamment, plusieurs expériences étranges qui lui sont arrivées : une statue qui le rend systématiquement mal à l'aise, un après-midi où il se découvre une sorte de don de voyance aussi fulgurant qu'impossible à retrouver par la suite, le compte-rendu, également, d'une pièce de théâtre du grand-guignol fort bizarre, découverte plus ou au moins au hasard, dont le titre, Les détraquées, me fait regretter de ne pas pouvoir voyager dans l'espace et le temps pour y assister, aussi médusé que le reste de la salle.

Breton formule également l'idée, sans le dire explicitement, que TOUT PEUT ARRIVER. J'ai d'ailleurs eu une longue discussion à ce sujet avec un ami, jadis, échange qui n'aboutit à rien, comme d'habitude pour ce genre de conversations, chacun restant sur ses positions.L'auteur de Nadja, lui, écrit : "J'ai toujours incroyablement souhaité de rencontrer la nuit, dans un bois, une femme belle et nue, ou plutôt, un tel souhait une fois exprimé ne signifiant plus rien, je regrette incroyablement de ne pas l'avoir rencontrée. Supposer une telle rencontre n'est pas si délirant, somme toute : il se pourrait. Il me semble que tout se fût arrêté net, ah ! je n'en serais pas à écrire ce que j'écris. J'adore cette situation qui est, entre toutes, celle où il est probable que j'eusse le plus manqué de présence d'esprit. Je n'aurais même pas eu, je crois, celle de fuir."

Et on se plaît à imaginer, en effet, la possibilité d'apercevoir, tout à coup, quelque chose de vraiment impossible au sein du quotidien le plus banal : voir, par exemple, une plante géante en train de faire ses emplettes au supermarché (on imagine la suite, par exemple, cette plante géante et marchante en train de faire la queue en feuilletant une revue de décoration) ; vouloir retirer de l'argent au guichet automatique et voir des fleurs bizarres en sortir au lieu de billets de vingt dollars ; croiser le chat jaune un matin et qu'il se décide enfin à parler, en me faisant promettre, toutefois, de ne jamais révéler ce secret millénaire : les chats parlent.Ce ne sont que quelques exemples qui alimentent mes rêveries suffisamment pour que, l'espace de quelques minutes, elles prennent assez de force pour devenir presque réelles. Car, après tout, l'imagination crée les choses, n'est-ce pas ? C'est entre autres pour cela que la censure sanctionne parfois les oeuvres d'art, car sinon, qu'est-ce qu'un roman, sinon un amalgame de lettres et de mots ? Toutefois, les images qu'un ouvrage de fiction fait naître dans l'esprit du lecteur permet à celles-ci d'exister, dans un sas situé entre la réalité et les pensées du lecteur (je ne t'oublie pas, chère lectrice).

Et puis, il y a aussi ces dérapages du quotidien, qui durent plus ou moins longtemps, qui prouvent que l'existence peut être surréaliste. L'un de ces moments marquants m'a été raconté par Michel Châteauneuf. Un matin, il se réveille, encore endormi. C'est sa chatte, Anaïs Mine, qui a sauté sur son lit. Michel fronce les sourcils, car il croit halluciner : sa chatte a, dans la gueule, un des cigares que Michel aime fumer. Évidemment, il n'est pas allumé (ce qui aurait été comble), mais qu'importe : ce matin-là, Michel se fait réveiller par un chat qui "fume" le cigare. Admettons que ce n'est pas banal.

Mon enfance a été marquée par ce genre d'histoires. En tant qu'enfant, d'ailleurs, je démêlais difficilement la réalité de l'imagination, mais, encore une fois, ça n'a pas d'importance, car je vivais réellement ces événements...

Le temps passe, il se fait tard... Je m'arrête ici, en vous souhaitant, bien entendu, de belles surprises surréalistes qui, je l'espère, feront vibrer votre capacité d'émerveillement que trop d'aspects de la quotidienneté essaient d'étouffer jour après jour. Le mystère n'est pas mort, qu'on se le dise !