14 août 2008
Prochaine mise à jour : septembre
01 août 2008
Fantasia, prise deux
Le festival Fantasia de Montréal, édition 2005
par Frédérick Durand
Cette année,
Dans le premier cas, on doit s’attendre à un écran gigantesque et à une climatisation si présente que les plus frileux apporteront leur chemise. Quant aux sièges, n’en parlons pas, ils finissent par nous mettre à rude épreuve, mais le parcours du cinéphile est souvent un chemin de croix, non ? Compensation : du garage rock festif (Cramps, Electric Prunes, etc.) précède les projections, installant d’emblée un climat survolté. Dans le second cas, c’est une salle plus intime, où on souhaite que personne de trop grand ne vienne s’asseoir devant nous, sinon le risque est grand de voir une tête s’interposer entre l’écran et nos yeux.
Commençons ce compte rendu plus précis avec ZEE-OUI, un film thaïlandais basé sur un sujet extrêmement délicat : la biographie « déconstruite » d’un tueur d’enfants en série, basée sur des faits réels survenus voilà environ soixante ans. Quand on sait que les programmateurs de Fantasia ne manquent pas d’audace, on pouvait se demander quel serait le résultat.
Hélas, ZEE-OUI ne marquera pas les annales du cinéma. En dépit de ses 86 minutes, le film semble très long, en plus d’être souvent mal interprété. Il est vrai que les scènes où Zee-Oui (le tueur en titre) capture des enfants dans une fête foraine sont perturbantes, mais c’est insuffisant pour conclure que le film est un chef-d’œuvre. L’ensemble, très mélodramatique, rappelle un aspect qui nuisait souvent au cinéma de Hong-Kong voilà une dizaine d’années. De plus, les transitions entre un extrême et un autre ne sont guère maîtrisées : on peut passer, en l’espace de quelques secondes, d’une musique et un climat qui se veulent terrifiants à une atmosphère joyeuse et insouciante. Passe encore si on avait voulu en faire une signature stylistique (le cinéaste québécois Gilles Carle s’en faisait une spécialité dans les années 70, avec un certain talent baroque), mais ce n’est pas le cas.
ZEE-OUI n’est pas raconté dans l’ordre chronologique et, pendant tout le film, des flashbacks psychologisants tentent, en quelque sorte, de nous expliquer comment un homme peut devenir un tueur en série. Les causes sont convenues : la guerre, la pauvreté, les moqueries de jeunes enfants, l’abandon du père, etc. Une façon comme une autre de se donner bonne conscience, mais pour mieux comprendre la psychologie des serial killers, lire un livre (par exemple ceux que Stéphane Bourgoin a consacrés à la question) vaut mieux que voir un film qui, forcément, ne peut guère entrer dans les détails, surtout en 86 minutes…Le lendemain (14 juillet), toujours dans l’immense salle Théâtre Hall Concordia, c’est la première montréalaise du thriller canadien THE DARK HOURS, réalisé par Paul Fox, qui a surtout travaillé pour la télévision. THE DARK HOURS se veut un retour aux films glauques des années 70, des suspenses méchants comme LAST HOUSE ON THE LEFT ou FIGHT FOR YOUR LIFE.
Le scénario est simple : Samantha, psychiatre fatiguée de son boulot, va rejoindre son conjoint David (un écrivain) dans le chalet où il termine son roman. La sœur de Samantha, qui travaille pour David, s’y trouve également. Lorsqu’un jeune homme leur demande de l’aide, David le laisse entrer dans le chalet… et la petite famille se trouve rapidement menacée par le voyou dont l’équilibre psychologique est instable. Un complice vient bientôt le rejoindre : ex-patient de Samantha, il veut se venger de la psychiatre en forçant la petite famille à jouer à des jeux cruels de son invention.
Si le canevas de base paraît simple, il n’en est rien, puisque d’autres données plus complexes viendront peu à peu s’y greffer. Il faut dire d’emblée que THE DARK HOURS est une belle réussite, un film canadien qui peut rappeler certaines œuvres hargneuses des années 70 (DEATH WEEKEND de William Fruet, 1976), mais dont le traitement ambitieux en fait plus qu’un simple film d’exploitation, malgré certaines séquences qui raviront les fans d’un cinéma qui n’a pas froid aux yeux. Le public fantasien est d’ailleurs généralement plutôt extroverti, et les séquences gore entraînent souvent applaudissements et autres manifestations bruyantes. On peut trouver ces réactions puériles, et juger qu’elles témoignent plutôt d’un conformisme évident que de l’allure cool que tentent de revendiquer ainsi les spectateurs en question. Passe encore quand il s’agit d’une comédie trash à la BRAINDEAD, mais dans certaines situations, on se demande où se trouve l’empathie de la salle. Keep repeating yourself : it’s only a movie, comme le proclamait le pavé de presse de Last House on the Left…
Au terme de la projection de THE DARK HOURS, l’équipe du film (le réalisateur, le producteur, le scénariste et les deux acteurs principaux) a répondu aux questions du public, moment toujours très prisé (avec raison) par le public de Fantasia. C’est l’énergique Mitch Davis qui s’est chargé des présentations, poursuivant une tradition amorcée depuis plusieurs années déjà. La séance a commencé sur un drôle de pied : un adolescent s’est levé et, en guise de première question, a simplement laissé tomber :
– I don’t get it (je ne comprends pas).
Il s’est ensuite assis, après avoir fièrement tapé dans la main d’un de ses amis, sans doute satisfait de ce qu’il estimait être une « intervention mâle ».
Le réalisateur Paul Fox aurait pu s’offusquer du manque de diplomatie, mais il n’en fut rien. Il a patiemment expliqué qu’un premier montage plus traditionnel du film avait été écarté, afin d’éviter de trop expliquer. Fox a donné l’exemple de Psycho, dont la finale donne vraiment l’impression que Hitchcock (dans le cas de ce film, du moins) jugeait son public peu capable d’induction, d’analyse et de réflexion personnelle.
Les autres questions ont parfois été traditionnelles (date de distribution du film, projets à venir, etc.), parfois rigolotes (un spectateur s’étonne que Fox ait réalisé des épisodes de Degrassi, une série télé pour ados), parfois intéressantes (« Est-ce difficile d’interpréter un fou ? ». Aidan Devine, l’interprète du prédateur sexuel Harlan Pyne, répond : – C’est beaucoup plus difficile de jouer quelqu’un de « normal »).
Le scénariste a aussi avoué que le film avait été écrit en fonction du budget, que le réalisateur révèle : 500 000 $ (canadiens, probablement). On parle aussi de FUNNY GAMES, que Paul Fox a vu en cours de route, et que le scénariste Wil Zmak n’a pas aimé, surtout pour le fait qu’il véhiculait une critique moralisatrice du genre, par le biais des personnages qui s’adressent directement au spectateur.
Signalons que Kate Greenhouse a reçu le prix de la meilleure actrice, dans le cadre du « palmarès officiel » du festival.
Le vendredi 15 mai, supplémentaire pour le film thaïlandais SHUTTER dont les billets pour les autres représentations ont tous été vendus. Le film se situe sans complexes dans la lignée de RING, JU-ON et autres films de fantômes asiatiques, décidément un filon très en vogue. Je craignais le pire, ayant vu de plus en plus d’erzats de RING, films mous et bourrés de clichés.
C’est dans la petite salle de Sève que j’assiste à la projection, une projection chaotique. Heureusement, les hauts-parleurs enterrent les commentaires du public, mais, dans les moments plus silencieux, ce n’est pas toujours le cas. À côté de moi, un ado reçoit deux appels sur son téléphone portable, il y répond et se met à parler à son interlocuteur… Le second a lieu pendant une scène très dramatique. Ensuite, il regarde l’écran bleuté de son appareil en quête d’on ne sait trop quoi. Pas génial, mais, bon…
Heureusement, le film, lui, est réussi. SHUTTER, s’il n’est pas toujours original, est franchement efficace dans le genre et parvient à flanquer la frousse à une salle pas gagnée d’avance. Comme dans la plupart des films du genre, il y a certaines outrances qui peuvent faire décrocher, mais le scénario est bien ficelé et aborde en profondeur un élément vu dans d’autres films du genre, mais pas de manière aussi approfondie : la photographie.
En gros, le film raconte les déboires d’un couple, Tun et Jane, dont la voiture frappe une jeune femme. Craignant sans doute des représailles puisqu’ils étaient ivres, Tun et Jane préfèrent s’enfuir. Des apparitions spectrales s’ensuivront…
Heureusement, le scénario va plus loin que ce simple résumé du début du film, et la situation s’avère plus complexe. SHUTTER est le film que j’ai préféré cette année. Il a remporté le prix 50e anniversaire de la revue québécoise SÉQUENCES. Élie Castiel, rédacteur en chef de SÉQUENCES, agissait en tant que président du jury, et les membres du jury étaient les journalistes Luc Chaput et Alain Vézina. Selon le communiqué de presse de SÉQUENCES, « même si le film reprend plusieurs éléments graphiques de la nouvelle vague du cinéma d’horreur asiatique, le récit parvient à captiver par une intrusion progressive du surnaturel dans l’univers des personnages. Après le Japon, un tel film laisse croire que les amateurs d’horreur doivent maintenant se tourner vers la Thaïlande pour assouvir leur besoin de frissonner. »
Le 16 juillet, visionnement de SMALL GAUGE TRAUMA, environ 120 minutes de courts-métrages venus d’un peu partout. On y retrouve du bon et du moins bon. Parmi le moins bon, je note MAXIMILIANI ULTIMA NOX de Thierry Lopez, un film de vampires qui se veut branché, mais qui accumule platement les séquences gore pseudo-cool en y ajoutant des dialogues qui sonnent très « doublage de film d’action américain ». On ne voit pas l’intérêt. THINNING THE HARD, un court-métrage friqué de la mannequin Rie Rasmussen (FEMME FATALE de De Palma) manque aussi d’originalité, et sa fin en forme de coup de théâtre est assez douteuse.
À travers ça, on parcourt un moyen-métrage allemand (35 minutes) post-apocalyptique un peu long (TAG 26), un hommage au giallo en forme d’exercice de style technique (L’ÉTRANGE PORTRAIT DE LA DAME EN JAUNE, des Belges Hélène Cattet et Bruno Forzani) et quelques autres.
Les meilleures réussites sont GORGONAS, un film d’animation argentin de Salvador Sanz, basé sur un concept très intéressant (un girl group du genre Spice Girls devenu des gorgones à la suite d’une opération chirurgicale qui a mal tourné) et TEA BREAK, court-métrage américain d’humour noir.
Souper avec les amis, puis retour à la grande salle pour NEIGHBOR NO. 13, un film japonais réalisé par Yasuo Inoue, dans le style, dit-on, de Takashi Miike. D’emblée, je dois admettre ne pas connaître beaucoup le style Miike, ayant seulement vu deux de ses films, dont une commande (ONE MISSED CALL). C’est l’un des assistants directeurs du festival, Marc Lamothe, qui présente le film en blaguant :
– Voulez-vous d’l’écrapou ?
Pour le bénéfice du lectorat français, disons simplement que « l’écrapou » signifie à peu près gore, mais qu’il s’agit d’un terme familier pas très sérieux et guère utilisé. N’en répandez pas l’usage. On pouvait donc s’attendre à un gros délire festif, mais il n’en fut rien.
Le film parle d’un ouvrier qui a connu une vie malheureuse, étant sans cesse maltraité par son entourage. Un jour, sa rage intérieure finit par lui créer un « double » vengeur qui va certes le protéger, mais aussi lui causer des ennuis. Une sorte de « Ça » colossal, quoi !
L’idée n’est pas hyper-originale, et le traitement m’a laissé très froid. J’ai en fait trouvé NEIGHBOUR NO. 13 ennuyeux. D’un point de vue technique, ça fonctionne bien, mais pour le reste, je n’ai pas accroché. En sortant du film, j’en ai un peu discuté avec d’autres spectateurs. Tous convenaient que le film était plutôt long, mais certains avaient quand même apprécié.
Ce fut ensuite le temps de LIVE FREAKY ! DIE FREAKY !, un projet louche dès le départ : raconter l’affaire Charles Manson avec des marionnettes, dans une comédie « trash ». LIVE FREAKY s’enlise rapidement dans un gros humour vulgaire à base de « fuck » et autres mots de quatre lettres répétés jusqu’au dégoût. Oui, le film est outrageux à souhait, mais c’est insuffisant pour soutenir l’intérêt. On a dit que LIVE FREAKY avait, jusqu’à maintenant, été refusé par tous les festivals. On sous-entend par là que son aspect immoral et décapant en est la cause. On pourrait toutefois ajouter que le film s’essouffle trop vite, qu’il n’est pas drôle et qu’il est redondant. Autant de raisons pour passer son tour.
Fantasia présentait aussi cette année de nombreux autres films, notamment 2001 MANIACS, le remake du classique de HG Lewis, dont on peut sans doute deviner le contenu sans même l’avoir vu ; le routinier ONE MISSED CALL 2 ; THE DEVIL’S REJECTS, le nouveau film de Rob Zombie, dont les critiques sont positives jusqu’à maintenant ; THE EYE 2 (« un drame avec des fantômes qui surgissent de temps à autre », selon un ami) ; un hommage à Ray Harryhausen ; la comédie légère PLEASE, TEACH ME ENGLISH ; KARAOKE TERROR, qu’on dit intéressant en dépit d’un titre absurde ; JU-ON 2, que j’ai trouvé franchement inférieur à l’original.
Pour terminer, je tiens à souligner le travail de recherche, de promotion et de diffusion de l’équipe de Fantasia, qui permet à l’événement d’être intéressant et pertinent. Remerciements particuliers à Simon Laperrière de Fantasia et à l’ami Patrick Lambert pour l’hébergement.