05 juin 2009

De l'autre côté du miroir

De retour du Marché de la Poésie (fin mai), expérience sympathique qui m'a permis de retrouver l'équipe des éditions Triptyque lors d'une lecture publique. Puis, arpenter Montréal en quête d'étonnement. J'ai ramené quelques livres, disques et films de ce voyage. Kaléïdoscope contradictoire et bariolé... Au Colisée du livre (sur Mont-Royal), que certains journalistes ont déjà qualifié d'immense "dépotoir culturel", la visite ne donna pas les résultats escomptés. C'est toutefois assez fascinant de fouiller dans les bacs hétéroclites de ce vaste local (deux étages). J'en ai l'habitude depuis assez longtemps, depuis l'époque où le Colisée avait de nombreux compétiteurs : Marché du livre, Marché du disque, etc. Plusieurs d'entre eux étaient logés face au terminus d'autobus Berri, endroit qui abrita aussi une boutique célèbre auprès des collectionneurs de films impensables : La Foire du Vidéo.Je me rappelle d'un "traumatisme" de jeune auteur vécu au Marché du livre : les fameux bacs "Bon débarras". C'étaient des bacs remplis de livres bradés à 25 cents, qu'on annonçait par une affichette : "BON DÉBARRAS - 25 CENTS". J'y ai vu l'oeuvre complète de certains auteurs que je connais personnellement ! Évidemment, je me suis bien gardé de leur dire que j'aurais pu acheter l'ensemble de leur production pour 1,50 $... Plus que le prix, c'était la mention "Bon débarras" qui me troublait, l'idée qu'on soulage le libraire, qu'on lui rende presque service en achetant ces livres qui l'encombraient ! Forcément, on se demande alors si, un jour, ce sera notre cas, si des piles de nos invendus poussiéreux, jaunis... pire encore : ennuyeux... finiront là, à attendre un client quelconque ou la fermeture du commerce et la destruction. La mention "Bon débarras" sanctionne peut-être des années de travail et de réflexion... Une vie de création liquidée pour deux dollars... Encore une autre raison qui peut nous pousser à nous demander : "À quoi bon ?" Et puis... on finit par retrousser nos manches et par poursuivre. En ne sachant pas toujours pourquoi, même si c'est souvent difficile...

Pour ne pas sombrer, parlons plutôt de cette fameuse Foire du Vidéo, rendez-vous des amateurs de vieilles vidéocassettes poussiéreuses. On y trouvait là l'entassement le plus improbable de cassettes VHS imaginables, parfois à des prix absurdement élevés. S'y trouvaient essentiellement des films édités au début du boom vidéo (1983-1985)... Des films européens, souvent, retitrés pour une seconde vie... Des titres qui laissaient songeur et des jaquettes mensongères, qu'il était difficile de rattacher à quoi que ce soit de concret. C'était avant qu'Internet devienne cet outil de référence répandu (du moins, dans les premières années d'existence dudit commerce)... On voyait des films comme Bacchanales infernales, Motel Rouge ou Dernier arrêt du train de nuit sans trop savoir ce que c'était. On achetait (ou non), selon le prix, selon la curiosité... On découvrait parfois des films quasi-mélodramatiques, involontairement expressionnistes, à la post-synchronisation littéraire et déclamatoire... Tout ça dans des copies usées, recadrées, mais toujours prometteuses de quelque chose de différent. Quelque chose qui, peut-être, nous conduirait de l'autre côté du miroir. Et c'est arrivé, notamment avec un choc, un film au sujet duquel je ne savais rien et qui me hanta ensuite pendant des années : Mais ne nous délivrez pas du mal, de Joël Séria (qui fut, depuis, réédité en DVD). De tels chocs valent bien des heures passées à fouiner dans les bacs "bon débarras", quand ils font office de passeurs et qu'ils nous laissent, désemparés, sur les berges de l'autre rive, après une traversée qu'on ne pouvait prévoir...