30 janvier 2010

L'un des comédiens de LA GOULVE témoigne

À quelques reprises, j'ai eu l'occasion de parler de l'écrivain/cinéaste français Mario Mercier sur ce blogue. Bien qu'il n'ait seulement pu réaliser que deux longs-métrages (La Papesse et La Goulve), Mercier a imposé sa "griffe" unique sur ces films qui étaient qualifiés à l'époque de "witch cinema", une manière de les différencier des films fantastiques qui envisageaient le genre de façon plus classique, alors qu'il s'agissait d'un mode de vie ou de conscience pour Mercier.
Ses romans, tout aussi étonnants, sont à découvrir. Sur le site de l'auteur, on apprend que plusieurs d'entre eux sont scandaleusement inédits. C'est dit : si d'aventure je me lance un jour dans l'édition, je me promets d'essayer de les publier.
Entre-temps, l'un des comédiens de La Goulve partage avec nous ses souvenirs du tournage de ce film ésotérique. Je le remercie d'avoir bien voulu me donner ses impressions...

"Je suis l'acteur principal enfant, et une erreur avait été faite sur mon nom qui est "MANUEL NAVE" et non "Novo".

Je vous relate les quelques souvenirs qui me restent à l'heure actuelle, mais peut-être en aurai- je plus après avoir visionné le film. Dans ce cas, je vous les ferai parvenir ultérieurement.

J'étais en train de jouer dans le caniveau avec mes petites voitures lorsque j' ai été repéré par l'équipe du tournage. À cette époque, j'avais 10 ans. Après accord parental, j'ai tourné 3 ou 4 jours . Je jouais le rôle de l'acteur principal pendant son enfance.

De nombreux villageois ont participé au tournage en tant que figurants.Je me souviens qu'il nous arrivait, le soir, d' aller au cimetière pour attraper les tarantes (nom du midi = geiko) sur les pierres tombales.

Dans le jardin de la maison, il y avait un bassin qui servait de lavoir pour le linge, dans lequel il y avait une multitude de serpents, que j'ai ensuite revus autour du cou des actrices.
Il y avait une scène où j'étais assis ou accroupi dans une pièce, je jouais avec une balle et je devais pleurer.

Des scènes se passaient dans le centre du village, où je courais dans les escaliers, poursuivi par des jeunes qui me jetaient des cailloux.
Je n'ai pas le souvenir d'avoir rencontré Mario Mercier, il a dû arriver plus tard sur le tournage.

Chaque jour, nous mangions avec l'équipe de tournage au restaurant sur la place du village.

À ce jour, les souvenirs restent flous, il y a plus de 35 ans de ça !
Par contre, si d' autres me revenaient après ... je vous le ferai savoir."

Merci, Manuel !

Vous trouverez aussi sur ce blogue mes impressions au sujet de La Goulve.

08 janvier 2010

L'ENFER DES RÊVES INTERDITS : la collection GORE du Fleuve Noir


Tout d’abord, bonne année 2010 et merci pour votre fidélité et votre intérêt à propos de ce blogue.


Les mois se succèdent si vite que j’ai souvent l’impression d’avoir à peine rédigé la dernière entrée que, déjà, un nouveau texte doit être mis en ligne ! C’est encore le cas cette fois-ci, même si l’exercice est sympathique. Ce petit musée surréalisant continuera d’exister.


Récemment, j'ai eu l'occasion de prendre quelques verres à Montréal, avec la sympathique équipe de Brins d'éternité, ma compagne Ariane et mon grand ami Patrick. Comme souvent, Patrick et moi avions en main plusieurs livres marqués de l'aile de l'ange du Bizarre, que nous nous plaisions à faire circuler afin d'observer les réactions... entre autres ! Patrick avait un lot d'Elvifrance dont les titres ne manquaient pas de charmes (L'ENFER DES RÊVES INTERDITS, quand même). J'avais, pour ma part, déniché deux romans "gore" du Fleuve Noir qui ont bien fait rire les personnes présentes. Il est vrai que les couvertures et les titres sont parfois assez pittoresques (jugez sur pièce grâce à celles qui illustrent cette entrée).

Pour ce premier texte de 2010, j’ai donc choisi de m’attarder à cette collection qui ne manque pas de singularité. GORE fut publiée au Fleuve Noir entre 1985 et 1990 (l’éditeur Vaugirard prit le relais pour la dernière année). Le « gore » est ainsi défini dans le Robert : « Qui suscite l’épouvante par le sang abondamment versé ». La définition n’est pas bête ! Ce qui est surprenant, c’est toutefois que le gore soit devenu un genre…! Pas moins de 118 romans parurent sous cette bannière, réunissant des auteurs talentueux (André Ruellan et Georges-Jean Arnaud, quand même !), des traductions de l’américain souvent incomplètes et, parfois, des novelizations (La nuit des morts-vivants, 2000 Maniacs, Blood Feast, etc.).


J’étais un élève du secondaire au moment où parurent la plupart des titres de cette collection vouée à « l’horreur sans compromis ». Le projet éditorial ne donnait pas dans la dentelle ! On visait les sensations fortes, la révulsion et l’interdit…! Quelques-uns de mes camarades de classe achetaient de temps en temps l’un des livres en question. Je ne me souviens pas qu’ils m’aient jamais parlé du contenu – à mon avis, ils ne les ont pas lus, se contentant de montrer les pages couvertures hideuses aux filles pour les faire hurler. On notera que le romancier Roland Topor signa plusieurs d’entre elles. Les cris d’indignation étaient aussi provoqués par les titres des romans. Quelques échantillons : Blood-Sex (Carrément !), La mort visqueuse, Tu enfanteras dans la terreur, La tronçonneuse de l’horreur, Fureur cannibale et autres Autoroute du massacre. Le 4e de couverture se voulait provoquant, mettant généralement une phrase horrible en évidence par l’emploi de caractères de couleurs !


Comme dans le cas de certaines Série Noire, on retrouvait des détournements de titres célèbres dont certains étaient plutôt drôles : Les horreurs de Sophie, Le tour du monde en quatre-vingts cadavres, Les charmes de l’horreur, À la recherche des corps perdus. En ce qui concerne les « qualités littéraires » de cette collection, on se doute bien que c’était loin d’être la préoccupation première de l’éditeur. Le Fleuve Noir dut d’ailleurs interrompre sa publication parce qu’il croyait qu’elle « nuisait à son image de marque ».

J’ai eu l’occasion, au fil des années, de lire quelques-uns des livres en question. Certains étaient plaisants, notamment L’Équarisseur de Soho, de Norbert Moutier, un vidéaste français qui réalisa, dans les années 80 et 90, quelques séries Z en vidéo sous le pseudonyme de NG Mount, films pour lesquels il bénéficia de la présence de Howard Vernon, William Lustig, Jean Rollin, Michel Lemoine et quelques autres personnalités du « bis » européen. Moutier aimait réaliser, avec un budget infiniment modeste, quelques bandes délirantes aux titres amusants : Alien Platoon, Trepanator, Ogroff, etc. À lire son roman, on imagine aisément le film qu’il aurait pu en tirer.


J’avais également lu l’adaptation romanesque démentielle du film de HG Lewis 2000 Maniacs, un classique de l’horreur sixties. Ce film d’humour noir (à mon avis, le meilleur de son auteur) raconte comment de jeunes gens se trouvent piégés dans une ville dont la population entière les force à des jeux insensés qui ont pour but de les exterminer. La version « roman » en rajoute dans le politiquement incorrect pour un résultat rabelaisien…

Étrange témoignage d’une époque disparue (celle où les films gore s’entassaient sur les tablettes des vidéoclubs, témoignant aussi des avancées récentes en matière d’effets spéciaux), cette collection s’éteint au début d’une décennie charnière du Fleuve Noir, une époque où l’éditeur va d’errance en errance, pour des résultats encore intéressants, avant, hélas, d’aboutir à la décennie 2000 qui marqua la fin d’une époque – l’éditeur se spécialise maintenant dans les traductions de l’américain et dans les romans dérivés de séries télévisées… triste destin !