20 septembre 2007

Le mystère n'est pas mort !


Récemment, la collection "Folioplus clasiques" a réédité l'ouvrage surréaliste Nadja d'André Breton, dans une édition commentée par Dominique Carlat, professeur à l'Université Lyon 2.

L'une des sections du dossier qui fait suite au texte de Breton a particulièrement retenu mon attention : "Une promenade ouverte au merveilleux quotidien".

Voici ce qu'on peut y lire :

"Le désir d'André Breton, lorsqu'il rédige [...] Nadja, est de partager avec ses lecteurs [...] un témoignage portant sur une période de son existence qui a été traversée d'épisodes merveilleux. Le texte devient ainsi la preuve de la possibilité d'orienter sa vie de telle sorte qu'elle échappe au contrôle rationnel et acquiert une consistance poétique. Le récit illustre la présence concrète de la poésie dans l'existence quotidienne. Sa lecture est destinée à contaminer l'expérience du lecteur ; ce dernier est appelé à éprouver par lui-même comment sa vie sort des rails tracés par l'habitude."Breton raconte donc, notamment, plusieurs expériences étranges qui lui sont arrivées : une statue qui le rend systématiquement mal à l'aise, un après-midi où il se découvre une sorte de don de voyance aussi fulgurant qu'impossible à retrouver par la suite, le compte-rendu, également, d'une pièce de théâtre du grand-guignol fort bizarre, découverte plus ou au moins au hasard, dont le titre, Les détraquées, me fait regretter de ne pas pouvoir voyager dans l'espace et le temps pour y assister, aussi médusé que le reste de la salle.

Breton formule également l'idée, sans le dire explicitement, que TOUT PEUT ARRIVER. J'ai d'ailleurs eu une longue discussion à ce sujet avec un ami, jadis, échange qui n'aboutit à rien, comme d'habitude pour ce genre de conversations, chacun restant sur ses positions.L'auteur de Nadja, lui, écrit : "J'ai toujours incroyablement souhaité de rencontrer la nuit, dans un bois, une femme belle et nue, ou plutôt, un tel souhait une fois exprimé ne signifiant plus rien, je regrette incroyablement de ne pas l'avoir rencontrée. Supposer une telle rencontre n'est pas si délirant, somme toute : il se pourrait. Il me semble que tout se fût arrêté net, ah ! je n'en serais pas à écrire ce que j'écris. J'adore cette situation qui est, entre toutes, celle où il est probable que j'eusse le plus manqué de présence d'esprit. Je n'aurais même pas eu, je crois, celle de fuir."

Et on se plaît à imaginer, en effet, la possibilité d'apercevoir, tout à coup, quelque chose de vraiment impossible au sein du quotidien le plus banal : voir, par exemple, une plante géante en train de faire ses emplettes au supermarché (on imagine la suite, par exemple, cette plante géante et marchante en train de faire la queue en feuilletant une revue de décoration) ; vouloir retirer de l'argent au guichet automatique et voir des fleurs bizarres en sortir au lieu de billets de vingt dollars ; croiser le chat jaune un matin et qu'il se décide enfin à parler, en me faisant promettre, toutefois, de ne jamais révéler ce secret millénaire : les chats parlent.Ce ne sont que quelques exemples qui alimentent mes rêveries suffisamment pour que, l'espace de quelques minutes, elles prennent assez de force pour devenir presque réelles. Car, après tout, l'imagination crée les choses, n'est-ce pas ? C'est entre autres pour cela que la censure sanctionne parfois les oeuvres d'art, car sinon, qu'est-ce qu'un roman, sinon un amalgame de lettres et de mots ? Toutefois, les images qu'un ouvrage de fiction fait naître dans l'esprit du lecteur permet à celles-ci d'exister, dans un sas situé entre la réalité et les pensées du lecteur (je ne t'oublie pas, chère lectrice).

Et puis, il y a aussi ces dérapages du quotidien, qui durent plus ou moins longtemps, qui prouvent que l'existence peut être surréaliste. L'un de ces moments marquants m'a été raconté par Michel Châteauneuf. Un matin, il se réveille, encore endormi. C'est sa chatte, Anaïs Mine, qui a sauté sur son lit. Michel fronce les sourcils, car il croit halluciner : sa chatte a, dans la gueule, un des cigares que Michel aime fumer. Évidemment, il n'est pas allumé (ce qui aurait été comble), mais qu'importe : ce matin-là, Michel se fait réveiller par un chat qui "fume" le cigare. Admettons que ce n'est pas banal.

Mon enfance a été marquée par ce genre d'histoires. En tant qu'enfant, d'ailleurs, je démêlais difficilement la réalité de l'imagination, mais, encore une fois, ça n'a pas d'importance, car je vivais réellement ces événements...

Le temps passe, il se fait tard... Je m'arrête ici, en vous souhaitant, bien entendu, de belles surprises surréalistes qui, je l'espère, feront vibrer votre capacité d'émerveillement que trop d'aspects de la quotidienneté essaient d'étouffer jour après jour. Le mystère n'est pas mort, qu'on se le dise !

6 commentaires:

S@hée a dit...

Le mystère ne mourra jamais car il est le sel de la vie. C'est la part d'intangible qui fait que le tangible demeure supportable.

Sans magie et sans mystère, la vie serait plate en maudit, moi personnellement je trouve.

Frédérick a dit...

En effet ! Hélas, je connais certaines personnes qui refusent cela. Ajoutons qu'elles sont généralement aigries, misanthropes, malheureuses. Elles vivent dans le monde qu'elles ont créé, un monde conventionnel, sans surprises et sans saveur. Il leur reste des téléromans hyper-réalistes et la certitude que rien ne peut sortir de l'ordinaire, encore moins en claquant la porte.

S@hée a dit...

Si tout le monde était ouvert à la magie, resterait-elle aussi mystérieuse?

Les gens sont différents et doivent l'être pour que le monde puisse continuer à avancer.

Le monde a besoin de rationnels autant que de rêveurs... tu ne crois pas?

Frédérick a dit...

Ce que je remarque, en tout cas, c'est que la plupart d'entre eux finissent par être blasés et amers. Mais, bien sûr, c'est leur vie...
à eux d'en faire (enfer ?) ce qu'ils veulent...

Patrick a dit...

J'adore la dernière photo qui garnie ton texte. Est-ce de toi ?! Elle me fait rêver....

Frédérick a dit...

Hélas, non, elle n'est pas de moi ! J'aurais voulu... Je ne me rappelle plus trop d'où ça provient, j'ai dû glaner ça au fil de mes pérégrinations virtuelles. Mais maintenant que j'ai un appareil photo, je compte bien ne pas laisser de pareilles occasions se perdre, ce qui est déjà arrivé auparavant !