Année après année, le festival Fantasia
continue à se démarquer en présentant des films audacieux lors de projections souvent
festives. Des invités de marque sont présents et offrent au public l’occasion
de se constituer une réserve de souvenirs précieux et uniques. Cette année encore,
l’événement s’est distingué par son atmosphère, sa programmation et ses séances
animées. Le programme officiel du festival lui-même annonçait la couleur avec
éloquence : il compte presque 400 pages ! On peut le parcourir comme un livre
consacré au cinéma de genre ou comme l’un de ces fanzines qui, à l’instar de
Médusa, réunit dans un joyeux chaos films d’arts martiaux, épouvante,
fantastique, science-fiction et bien d’autres encore.
Les habitués de ce blogue le
savent : mon emploi du temps et ma localisation géographique
(Trois-Rivières) ne me permettent pas toujours de fréquenter le festival aussi
assidûment que je le souhaiterais, mais j’y vais néanmoins chaque année. Le
week-end dernier fut donc l’occasion de ce ressourcement annuel, avant que ne
déferle (et ne nous emporte) la grande vague de l’automne.
J’aurais aimé pouvoir assister à
certaines projections, notamment celles organisées par la Cinémathèque
québécoise. On pouvait y voir en vrac Les Centurions de l’an 2001, film
futuriste de Lucio Fulci vu jadis en VHS dont je n’avais pas compris la fin.
Peut-être aurais-je décrypté ce qu’elle signifiait cette fois. Toujours est-il
qu’on y reconnaissait notre cher Fulci, teigneux, imprévisible, parfois
hésitant, mais certainement capable de laisser sa patte sur n’importe quel
petit film de série. Côté « psychotronique », on y diffusait aussi Le
choc des étoiles de Luigi Cozzi, nanar atomisé et cosmique dont l’héroïne se
nomme Stella Star, rien de moins ; n’oublions pas Les guerriers du Bronx, l’un
des plus divertissants films du genre « post-apocalyptique » dans
lequel, à la façon d’un jeu vidéo avant la lettre, un groupe de rebelles doit traverser une succession de
territoires souterrains en affrontant leurs habitants (je vous laisse le soin
de découvrir de qui il s’agit) ; que dire, aussi, du Dr Jekyll et les femmes de
Walerian Borowczyk, cinéaste respecté, mais dont les prétentions et l’aspect
bourgeois m’ont toujours rebuté ? On y voit, en tout cas, deux figures
cultes qui, à elles seules, justifient de découvrir cette œuvre :
Howard Vernon et Udo Kier.
Vendredi
Nous sommes arrivés à Montréal
vendredi après-midi, Ariane et moi. Après quelques heures passées dans les
bouquinistes (maigre récolte, pour ma part : un livre de la série de
romans post-apocalyptiques Le Survivant, à recommander aux amateurs de
kitscheries littéraires musclées), nous avons rejoint l’ami Patrick pour un
souper convivial.
Ce fut ensuite le moment de gagner le Theatre Hall et d’assister à notre premier film : Lobos de Arga (que le distributeur international a bêtement renommé Game of Werewolves, un choix d’ailleurs décrié par le réalisateur, Juan Martinez Moreno, lors de la période de questions/réponses qui a suivi la projection du film – ledit distributeur affirme que ce titre est plus commercial ; a-t-il un certain Game of Thrones en tête?).
Ce fut ensuite le moment de gagner le Theatre Hall et d’assister à notre premier film : Lobos de Arga (que le distributeur international a bêtement renommé Game of Werewolves, un choix d’ailleurs décrié par le réalisateur, Juan Martinez Moreno, lors de la période de questions/réponses qui a suivi la projection du film – ledit distributeur affirme que ce titre est plus commercial ; a-t-il un certain Game of Thrones en tête?).
Étant amateur du cinéma ibérique
pour son aspect débridé (au point de vue idéologique, mais également par
rapport aux libertés scénaristiques et visuelles souvent présentes dans ce
cinéma), j’étais curieux de découvrir cette comédie qui a pour thème la
lycanthropie.
Le résultat est agréable, mais
assez léger. Le scénario suit les déboires d’un écrivain plus ou moins raté de
retour dans le village de son enfance et en proie à une malédiction. Les
ingrédients classiques du genre sont présents : bourg intemporel,
villageois superstitieux, décors ruraux à l’ancienne, avec ruines et
souterrains… Malgré un budget modeste,
Moreno (qui a mis quatre ans à « monter » ce film) parvient à un
résultat sympathique. À l’actif de son film, on notera une photographie
esthétique que les lieux de tournage contribuent à mettre en valeur (et
vice-versa !), des maquillages de loups-garous à l’ancienne (Moreno refuse les
effets par ordinateur), quelques ingénieuses trouvailles humoristiques, des
personnages amusants (notamment un chien présent dans presque toutes les scènes)
et des variations plaisantes sur les éléments propres au genre. Un petit film
soigné et appréciable.
À 22 H 00, ce fut ensuite New
Kids Turbo (une production des Pays-Bas), également une comédie. Si vous
connaissez la série canadienne Trailer Park Boys, vous avez une petite idée des
personnages qui peuplent ce film, lui-même tiré d’une série culte en son pays.
Les anti-héros en titre sont cinq chômeurs qui ne veulent désormais plus rien
payer. Les conséquences de cette décision dépasseront toutes leurs
espérances… Le moteur de l’humour, cette
fois, ce sont les personnages, de même que l’énormité des situations racontées.
Les réalisateurs-scénaristes (Steffen Haars et Flip Van der Kuil) s’ingénient
aussi à enfreindre un maximum de tabous. Rien ne sera donc épargné – dans
l’optique, bien sûr, d’une comédie qui refuse le politiquement correct et vise
à amuser par son attitude irrévérencieuse et excessive à l’égard de… tout
! Pour apprécier New Kids Turbo, il faut
le prendre pour ce qu’il est (une comédie outrancière), mais, de temps en
temps, un tel bain d’humour incendiaire aide à s’évader et peut s’avérer…
défoulant !
Samedi
Après une nuit de sommeil agitée
(canicule oblige) et un souper du samedi en compagnie des amis Carmélie et
David, nous retrouvons Patrick pour la projection de Grabbers, production
anglo-irlandaise dont l’action se déroule dans un petit village de pêcheurs
irlandais pittoresque. L’endroit, entre autres peuplé par quelques ivrognes
hauts en couleurs, subit l’attaque de créatures extraterrestres qui se
nourrissent de sang humain. Ces êtres ont une faiblesse : ils ne peuvent
tolérer l’alcool, toxique pour eux. Est-il besoin d’en dire plus ? Encore une
fois, la légèreté fut au rendez-vous. À l’actif du film, on signalera ses
décors dépaysants (que le grand écran permettait de contempler pour un effet
maximal), ses personnages pittoresques et colorés et son idée de base. Malgré
cela, ce long-métrage n’est pas à l’abri de passages à vide, entre autres à
cause de certaines scènes un peu trop longues, d’évidences auxquelles trop de
temps est consacré et d’une inspiration humoristique inégale (certains clichés
de la comédie traditionnelle ne sont pas évités). Un film correct et agréable,
en somme.
Notre visite à Fantasia s’est
terminée par la découverte de Excision, film américain de Richard Bates Jr. Il
s’agit du prolongement d’un court-métrage que le cinéaste avait présenté à
Fantasia voilà quelques années. Excision en reprend les grandes lignes
scénaristiques, tout en modifiant certains éléments. Ce qui m’a le plus surpris
du film, c’est son interprétation : Traci Lords, Malcolm McDowell, John
Waters, Ray Wise… La palme va sans doute à Traci Lords, efficace dans le rôle
d’une mère autoritaire. Excision suit le parcours d’une adolescente tourmentée,
Pauline, en proie à des fantasmes qui entremêlent sexualité, violence,
confusion identitaire et transgression. Portrait d’une famille dysfonctionnelle,
ce thriller se veut provocant. Le film n’est pas sans failles. Une réalisation
fonctionnelle (champ/contre-champ se succèdent) en dessert l’aspect
cinématographique au profit d’une esthétique parfois trop télévisuelle ; le ton
du film est également hésitant : s’agit-il d’une comédie ? d’un drame ?
des deux à la fois ? ; quelques incohérences sont enfin à souligner en ce
qui a trait au caractère de Pauline. Cela étant dit, le film a l’avantage de ne
pas être ennuyeux et de susciter certains questionnements chez le spectateur.
Au final, vous aurez compris que
ma visite à Fantasia, cette année, ne m’a pas réellement permis d’avoir un coup
de cœur pour l’un de ces quatre films. Comme d’habitude, j’ai cependant apprécié
l’ambiance, l’état d’esprit et les conditions de visionnement (passons
charitablement sur les sièges du Theatre Hall dont la dégradation se poursuit
d’année en année de manière chaque fois plus… éprouvante – l’horreur s’y
réfugie parfois de façon plus intense que sur l’écran !). En outre, l’occasion d’entendre parler
réalisateurs, acteurs et artisans du milieu cinématographique vaut la peine
d’être saisie. Il reste encore quelques jours au festival ; si vous êtes dans
les environs de Montréal, profitez-en pour aller y faire un tour, vous ne le regretterez
pas.
Merci à l’équipe de Fantasia, notamment à Simon Laperrière,
Patrick Lambert, Nicolas Archambault et Kevin Laforest.
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