11 octobre 2007

À moitié mort / Victor Hugo délire

Le vendredi 28 septembre dernier je vais porter mon CV au Cégep de Trois-Rivières pour une banque d’emplois : on cherche des chargés de cours pour janvier 2008.

Le lundi 1er octobre suivant, on me convoque pour une entrevue. Il est question d’un remplacement à pied levé si je suis retenu. Lundi soir à 20 heures 30, de retour d’animer mon émission de radio « Le voyage insolite », j’ai un message sur mon répondeur : je commence mardi (le 2) à 8 heures a.m.

Le reste est une course folle que les mots ne sauraient rendre. Temps plein. Paperasseries diverses. Prendre connaissance des documents produits par le professeur que je remplace. Lectures des œuvres mises au programme, etc. Ça a l’air simple, résumé ainsi. La réalité est tout le contraire. À travers ça, une conférence dans le cadre du Festival du roman historique de St-Hyacinthe et une conférence (de 3 heures 15) à l’UQTR. Et j’en oublie, de surcroît, sans noter une foule d’autres petits ennuis quotidiens dont le degré de perturbation varie. Sans entrer dans les détails, je peux dire que 2007 est une année que je n’oublierai pas, et qui n'a rien à voir avec cette image : L’une des deux œuvres mises au programme, LE DERNIER JOUR D’UN CONDAMNÉ, de Victor Hugo, contient des moments de surréalisme involontaire assez étonnants.

Un échantillon, à propos de la guillotine :
« – Ils disent que ce n’est rien, qu’on ne souffre pas, que c’est une fin douce, que la mort de cette façon est bien simplifiée […]. Qui le leur a dit ? Conte-t-on que jamais une tête coupée se soit dressée sanglante au bord du panier, et qu’elle ait crié au peuple :
– Cela ne fait pas mal. »Ou ce passage surprenant, dans lequel le narrateur imagine la vie après la mort : « En m’éveillant après le coup, je me trouverai peut-être sur quelque surface plane et humide, rampant dans l’obscurité et tournant sur moi-même comme une tête qui roule. Il me semble qu’il y aura un grand vent qui me poussera, et que je serai heurté çà et là par d’autres têtes roulantes. Il y aura par places des mares et des ruisseaux d’un liquide inconnu et tiède : tout sera noir. Quand mes yeux, dans leur rotation, seront tournés en haut, ils ne verront qu’un ciel sombre, dont les couches épaisses pèseront sur eux, et au loin dans le fond de grandes arches de fumées plus noires que les ténèbres. Il verront aussi voltiger dans la nuit de petites étincelles rouges qui, en s’approchant, deviendront des oiseaux de feu. Et ce sera ainsi toute l’éternité ».Encore plus fou :
« Il se peut bien aussi qu’à certaines dates, les morts de la Grève se rassemblent par de noires nuits d’hiver sur la place qui est à eux. Ce sera une foule pâle et sanglante, et je n’y manquerai pas. Il n’y aura pas de lune, et l’on parlera à voix basse. L’hôtel de ville sera là, avec sa façade vermoulue, son toit déchiqueté, et son cadran qui aura été sans pitié pour tous. Il y aura sur la place une guillotine de l’enfer, où un démon exécutera un bourreau : ce sera à quatre heures du matin. À notre tour, nous ferons foule autour.
Il est probable que cela est ainsi. Mais si ces morts-là reviennent, sous quelle forme reviennent-ils ? Que gardent-ils de leur corps incomplet et mutilé ? Que choisissent-ils ? Est-ce la tête ou le tronc qui est spectre? »

Quelle question, en vérité.

Plus loin, Hugo raconte un rêve délirant dans lequel il trouve, cachée derrière la porte de son armoire ouverte, une « petite vieille, les mains pendantes, les yeux fermées, immobile, debout et comme collée dans l’angle du mur ». L’étonnante apparition refuse de répondre à ses questions. Pour la faire parler, il approche une bougie de son menton…

Savourez cette finale :

« Alors, elle a ouvert ses deux yeux lentement, nous a regardés tous les uns après les autres, puis, se baissant brusquement, a soufflé la bougie avec un souffle glacé. Au même moment, j’ai senti trois dents aiguës s’imprimer sur ma main, dans les ténèbres ».

Efficace, non ?

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Jeudi prochain (le 18) à la Chasse-Galerie de l’UQTR (Bar/café), joute d’improvisation musicale dont je ferai partie. Ça commence à 21 heures.

4 commentaires:

benjamAnt a dit...

Merci pour la découverte, l'ami! Je suis tellement aveuglé par Zola et ses Rougon-Macquart que j'ai quelque peu (beaucoup) négligé les autres, dont Hugo, et tes extraits me mettent salement l'eau à la bouche... (À ne pas confondre avec de l'eau sale dans la bouche.)

Je devrai m'y mettre, je sens que je manque quelque chose.

Frédérick a dit...

On a vu plus mauvais maître que Zola...

Tant mieux si les extraits sont intéressants. Dans une autre scène folle, le gardien de prison demande au condamné si, une fois devenu fantôme, il ne pourrait pas lui souffler les résultats de la loterie !

Anonyme a dit...

Dans je ne sait plus lequel des Alexandre Dumas, il fait expliquer par le concepteur de la guillotine que c'est comme un petit vent qui passe sur la nuque...

J'aime mieux pas essayer, genre...

Frédérick a dit...

Hum ! Le concepteur de la guillotine en parle comme s'il avait lui-même testé sa machine... C'est absurde !

On sait, en plus, que ce M. Guillotin était un philanthrope d'une nature singulière, son but étant d'éviter des souffrances à ses confrères... On peut supposer qu'être guillotiné est moins pire qu'être pendu, mais de là à comparer une décapitation à la caresse d'une brise estivale...