01 juin 2007

SORCELLERIE ET CINÉMA : LA GOULVE


Aujourd'hui, je vous parle de LA GOULVE, un film aussi rare qu'étrange, réalisé en 1972 par Mario Mercier.

Pendant des années, j’ai cherché ce film, devenu un véritable Graal. Il n’avait jamais été édité en vidéo, ni en France, ni ailleurs. Étant un inconditionnel de l’œuvre romanesque de Mario Mercier (4 livres incendiaires et inoubliables, qui ne ressemblent à rien d’autre) et ayant apprécié son film LA PAPESSE (sorti en DVD sous le titre "A Woman Possessed"), je supposais que je ne verrais jamais La Goulve, et pour cause : produit par l’homme d’affaires Bepi Fontana, le film a été remonté « dans le dos » de Mercier, qui le renie complètement et ne veut pas en entendre parler. Fontana y a notamment ajouté des scènes (soft) érotiques. Le producteur s’étant reconverti dans une agence de rencontres sur le web, il se soucie peu de cette « œuvre de jeunesse », et il y avait peu de chances pour que ce mythe voie le jour en VHS ou DVD…

Mais un petit futé a profité de la projection du film à la Cinémathèque de Toulouse pour le transférer sur VHS et voilà comment je suis entré en possession du film…

Ce film fut une découverte bizarre et intéressante. « Le premier film de witch-cinema » proclamait l’affiche, à l’époque... L'un de mes grands regrets, par ailleurs, est d'avoir vu cette affiche en format géant sans l'acheter ! Elle décorait les murs du disquaire montréalais PRIMITIVE, à l'époque (voilà 2 ans environ) où s'entassaient un nombre invraisemblable d'affiches rarissimes chez ce disquaire... Regrets, regrets...

À l’époque du tournage, Mercier s’intéressait beaucoup à l’occultisme, et il s’agit plus d’un film « occulte » que d’un film « fantastique », dans la mesure où l’occulte est considéré comme vrai, vécu, et non pas une simple élucubration de l’imaginaire.

L’argument de base est simple : Raymond fut élevé par un vieux sorcier. Parvenu à l'âge adulte, il tombe amoureux d’une femme volage. Pour s’attirer ses faveurs, il prie la « Goulve » de lui venir en aide. Cette entité peut devenir maléfique si on lui demande trop de services… et c’est ce qui arrive. Raymond est possédé par La Goulve et, tel un catalyseur, libère d'étranges vibrations dans son entourage. La « Goulve », comme une tache d’encre, répand ses maléfices et détraque la réalité de chacun, faisant de l’existence une hallucination cauchemardesque et perpétuelle.

La première partie est plutôt lente et classique, la seconde, hallucinée, non-linéaire, à la limite du non-narratif, très surréaliste et de plus en plus bizarre. Les 15-20 dernières minutes sont d'une étrangeté scintillante (particulièrement une scène onirique tellement réussie qu’on se dit qu’il aurait fallu que le film au complet ait été fait dans ce style-là), et tout à fait représentatives de ce qu’aurait pu être un vrai « witch-cinema » si le courant avait eu l’occasion d’exister par-delà deux films (La Goulve et La Papesse).

La fin totalement ésotérique laisse un peu pantois et on imagine dans quelles conditions curieuses l’œuvre fut tournée. Desservi par un budget calamiteux (plus qu’évident) et par une interprétation parfois bancale du principal comédien masculin, La Goulve demeure une curiosité, plus aisément compréhensible par qui a fréquenté l’œuvre littéraire de Mario Mercier… et qui donne à regretter, tout comme La Papesse, que le cinéaste-écrivain n’ait pas eu l’occasion de tourner d’autres films. Mais, paradoxalement, c'est aussi cela qui enrichit le mythe.

En bref, visionner La Goulve, c'est être absorbé dans un univers ésotérique dont on ressort un peu sonné, en ayant eu l'impression de faire un pas dans un autre monde...

Le comédien de La Goulve qui incarne le protagoniste pendant son enfance raconte son expérience de tournage ici


L'une des toiles de Mercier, qui est également peintre :