Je suis de retour du festival Fantasia. Si je trouve le temps de le faire, je partagerai ici quelques impressions à ce sujet. En attendant, voici ce que j'avais pensé de l'édition 2004 (texte initialement paru dans une publication européenne dont j'oublie le titre !)
Le festival Fantasia de Montréal, édition 2004
Depuis 1996, le festival Fantasia de Montréal se tient chaque été (sauf un hiatus en 2002) et permet aux cinéphiles de découvrir des films venus de tous les coins de la planète. La ligne directrice des programmateurs est simple : trouver des œuvres étonnantes, en marge, dérangeantes, différentes… Comme dans un immense banquet, il est évident que les choix ne plairont pas à tout le monde, mais c’est souvent l’occasion de découvrir des surprises en avant-première, ou alors de voir le film qui, malheureusement, deviendra obscur par la suite, pour des raisons de distribution insuffisante ou inexistante. En outre, des invités de marque viennent souvent enrichir l’événement.
Cette année, par exemple, un Udo Kier en état d’ébriété avancée a étonné le public, notamment parce, pendant sa séance de « questions/réponses », il jouait avec une marionnette qu’il avait baptisée Jean-Pierre… C’était d’ailleurs « Jean-Pierre » qui répondait parfois aux questions du public. Udo n’a d’ailleurs pas hésité à qualifier de « stupides » certaines questions de la salle. Un moment anthologique, semble-t-il… Interrogé par un ami alors qu’il se trouvait dans un bar, attablé avec « Jean-Pierre », Udo a avoué n’avoir jamais été contacté par Jess Franco pour un remake éventuel de L’HORRIBLE DOCTEUR ORLOFF, contrairement à certaines affirmations de la presse spécialisée. Il se disait toutefois intéressé, et prétendait que « Jean-Pierre » pourrait également y jouer !Laissons « Jean-Pierre » à ses frasques. Ma dernière visite à Fant-Asia remontait à 1997, car différentes obligations professionnelles m’avaient empêché d’y retourner par la suite. À l’époque, j’avais découvert TENDER FLESH de Jess Franco sur grand écran, dans une salle déconcertée par les excès du prolifique Espagnol. La salle se vidait au fur et à mesure que le temps passait !
Cette année, par exemple, un Udo Kier en état d’ébriété avancée a étonné le public, notamment parce, pendant sa séance de « questions/réponses », il jouait avec une marionnette qu’il avait baptisée Jean-Pierre… C’était d’ailleurs « Jean-Pierre » qui répondait parfois aux questions du public. Udo n’a d’ailleurs pas hésité à qualifier de « stupides » certaines questions de la salle. Un moment anthologique, semble-t-il… Interrogé par un ami alors qu’il se trouvait dans un bar, attablé avec « Jean-Pierre », Udo a avoué n’avoir jamais été contacté par Jess Franco pour un remake éventuel de L’HORRIBLE DOCTEUR ORLOFF, contrairement à certaines affirmations de la presse spécialisée. Il se disait toutefois intéressé, et prétendait que « Jean-Pierre » pourrait également y jouer !Laissons « Jean-Pierre » à ses frasques. Ma dernière visite à Fant-Asia remontait à 1997, car différentes obligations professionnelles m’avaient empêché d’y retourner par la suite. À l’époque, j’avais découvert TENDER FLESH de Jess Franco sur grand écran, dans une salle déconcertée par les excès du prolifique Espagnol. La salle se vidait au fur et à mesure que le temps passait !
Cette année – 2004 – marquait la venue à Fant-Asia d’un autre ténor du cinéma « bis » espagnol, soit Jacinto Molina (Paul Naschy), venu présenter son dernier film, ROJO SANGRE, réalisé par Christian Molina (aucun lien de parenté).
Naschy :
D’emblée, ROJO SANGRE s’inscrit dans la lignée des meilleurs Naschy. Dans ce film plein de verve et d’inventivité, Naschy livre une interprétation d’une qualité inhabituelle. Véritablement charismatique, il porte le film sur ses épaules et s’avère impressionnant du début à la fin. ROJO SANGRE bénéficie aussi d’un rythme, d’une facture moderne (sans être tape-à-l’œil) et d’une jeunesse d’esprit qui ne peuvent qu’être communicatives.Le scénario suit les déboires d’un comédien à la dérive, Pablo Thévenet, ex-star du cinéma d’épouvante. Perdu dans un monde où les reality shows et le silicone remplacent la véritable création, Thévenet se sent perdu. Les temps ont bien changé depuis ses succès des années 70. Sans le sou, vivotant de petits rôles minables ici et là, il en vient à devoir accepter un boulot étrange, celui de statue humaine à l’entrée d’une boîte à strip-teases pour riches excentriques. Ce sera le début d’une histoire fascinante, porteuse d’une critique sociale acérée. Le film en entier est exceptionnellement réussi, de la bande sonore élégante aux dialogues acides, en passant par un casting judicieux.
Une photo d'un film seventies de Naschy. À vous de deviner lequel :
Certains passages de Rojo Sangre sont très émouvants pour qui connaît les déboires qui ont éprouvé Naschy depuis les années 80. Lorsqu’on le voit arpenter les rues de l’Espagne contemporaine, voûté, vieilli et vulnérable, on ne peut que ressentir un certain pincement. On rage presque à la vision de Naschy/Thévenet regardant, consterné, une émission de télé-réalité ou un bulletin « culturel » faisant les choux gras d’amours éphémères de vedettes sans talent. Même le générique du début est très fort, montrant une série de photos d’archives de Naschy dans les rôles qui ont marqué sa carrière. Notre verdict est simple : si les Naschy à venir sont de cette trempe, le public n’a qu’à bien se tenir… C’est un retour en forme ahurissant.Après cette projection fort appréciée du public, l’acteur a répondu aux questions de la salle, dans un très bon français teinté d’accent espagnol. Parmi les échanges :
– Ces rumeurs concernant une collaboration avec Jess Franco pour un remake de L’HORRIBLE DOCTEUR ORLOF sont-elles fondées ?
– Non. Jess m’a téléphoné deux fois : pour le rôle d’Orloff et celui de Fu Manchu. Cependant, ces projets n’ont jamais abouti.
– Pourquoi avez-vous accepté de jouer dans ROJO SANGRE ?
– J’ai écrit le scénario (rires généralisés de la salle).
– Y a-t-il un lien d’hommage entre THEATER OF BLOOD et ROJO SANGRE ?
– Pas vraiment, bien que l’idée du film avec Vincent Price soit bonne.
Le lendemain, Naschy présentait un double-programme : LA NOCHE DE WALPURGIS (WEREWOLF SHADOW) et COUNT DRACULA’S GREAT LOVE. Le premier film était présenté dans une version américaine tronquée dont la post-synchronisation laissait à désirer. La copie était très délavée, presque sépia, mais l’atmosphère étrange qui baigne ce film subsistait malgré tout. Une fois la projection terminée, Naschy confiera que les ralentis oniriques qui parsèment le film ont fait l’objet d’une attention particulière à la post-production, car, pendant le tournage, le réalisateur Klimovsky ne disposait pas du matériel nécessaire pour accomplir cet effet.
Après le film, un Naschy atterré nous révélait n’avoir jamais vu cette version qui dénaturait complètement ses intentions initiales. Même la musique avait changé. « Ce n’est pas mon film », répétait Naschy, qu’on sentait nostalgique malgré tout. L’acteur a même évoqué la présence possible du fantôme de Leon Klimovsky dans la salle. Seconde séance de questions/réponses.
– Vous êtes-vous inspiré de Lon Chaney jr pour votre création du loup-garou ?
– Non. Mon loup-garou est beaucoup plus « furieux » et politiquement incorrect, bien que j’apprécie la performance de Lon Chaney jr.
– WEREWOLF SHADOW est supposé se dérouler dans le Nord de la France, mais il n’a pas été tourné là, de manière évidente.
– C’est à cause de la censure, qui interdisait tout sujet délicat en rapport avec l’Espagne. Un loup-garou espagnol n’aurait pas été toléré par la censure franquiste, alors que s’il était hongrois, italien, polonais ou français, ça passait.
Parmi ses propres films favoris, Naschy mentionne El Caminante, hélas peu connu. On lui demande aussi combien de temps prenait le maquillage du loup-garou : au moins six heures, de révéler le comédien devant un public ahuri.
Il se fait tard (presque une heure) et Naschy doit quitter. Pendant l’entracte, il a eu la gentillesse de répondre aux questions des fans qui le suivaient pour faire signer différents documents. Il a paru un peu surpris par la vieille cassette d’une LIBELLULE POUR CHAQUE MORT, polar musclé de Leon Klimovsky où il incarnait un flic dur à la tâche, façon Merli ou Franco Nero, que l’un des membres de l’équipe Fantasia lui demanda de signer.
Le second film, présenté dans une version complète, mais en 16 MM (format télé), est donc très recadré. Le public est un peu turbulent, mais c’est étonnant de découvrir ce mini-classique de l’épouvante européenne sur un écran géant. En reprenant l’autobus de nuit vers quatre heures du matin, je me sentais un peu sonné, comme au sortir d’un rêve étrange.On ne peut pas en dire autant du dernier opus de Dario Argento, THE CARD PLAYER, un incroyable navet présenté dans une salle à moitié-morte de rire. Le film est atrocement interprété. Quant à l’aspect visuel, on se croirait dans une série télé américaine. Ex-claviériste de Goblin, Claudio Simonetti, sur les ordres de son employeur, a concocté une bande son « techno » dépassée et inintéressante. Pour THE CARD PLAYER, le réalisateur italien a voulu montrer qu’il était en phase avec son époque, mais il aboutit à un résultat opposé, terne et faussement branché. On ne cesse de voir des parties de poker par Internet qui achèvent de tuer le suspense d’une œuvre minée dès le départ par un scénario calamiteux : une équipe de policiers cherche à identifier un tueur en série. Ce dernier les défie chaque fois par Internet. Si la police parvient à le battre dans un partie de poker virtuelle, il libère sa victime ; si la police perd, il tue… On taira charitablement la finale mélodramatique et invraisemblable qui cloue le cercueil de ce joueur de cartes inquiétant pour l’avenir d’Argento. En comparaison, NON HO SONNO prend tout à coup des allures de merveille du septième art.Dans la même lignée, THE LAST HORROR MOVIE de Julian Richards se veut un ersatz de HENRY et de C’EST ARRIVÉ PRÈS DE CHEZ VOUS, à qui il pique d’ailleurs tant d’idées que c’en est gênant. Cependant, l’exécution est très laborieuse et le tueur-titre est un acteur dépourvu de charisme (Kevin Howarth). Il passe son temps à parler à la caméra d’un ton provocateur qui ne convainc personne. Le film est très laid visuellement, sans aucune surprise, et il aligne les scènes inutiles et ennuyeuses (querelles domestiques de la sœur de l’assassin, scènes de dîners entre amis, etc.). On s’étonne d’apprendre que la revue FANGORIA distribuera le film à l’échelon national américain.Nettement mieux, un sympathique film de zombies britanniques, SHAUN OF THE DEAD d’Edgar Wright. Il est vrai que fantastique et comédie ne vont pas toujours de pair (on pensera à l’humour pesant de SCARY MOVIE et autres du même genre)… Mais cette fois, le mélange est très réussi. La subtilité de l’humour anglais y fait pour beaucoup, de même qu’un véritable scénario qui n’est pas qu’un prétexte à aligner les gags visuels et autres. En plus, les personnages mis en scène dans SHAUN OF THE DEAD ont tous une véritable personnalité qui permet de susciter un intérêt envers leurs péripéties et leurs déboires. Espérons que ce film sans prétention mais bien sympathique puisse trouver une distribution adéquate.Notons enfin un intéressant thriller psychologique espagnol, traité de façon subtile et intelligente : PALABRAS ENCADENADAS (KILLING WORDS). Ce huis-clos entre un supposé tueur en série et son épouse, qu’il vient de kidnapper, donne lieu à d’habiles retournements de situation. Bien malin qui pourrait prédire la suite des événements. Si l’œuvre tient surtout grâce à un récit solidement charpenté, l’interprétation des acteurs et une réalisation sobre mais efficace de Laura Maňá contribuent à la réussite de ce film. La réalisatrice a notamment joué dans DOBERMANN de Jan Kounen.Nous avons aussi pu découvrir le nouveau court-métrage de Mariano Baiano (DARK WATERS), un conte de fées intitulé NEVER EVER AFTER. En quatorze minutes, le réalisateur italien parvient à donner la mesure de son talent, et la « chute » de son NEVER EVER AFTER est tout à fait surprenante. Le travail sur la couleur et l’atmosphère peut rappeler SUSPIRIA pour l’aspect féerique. Le point de départ s’approche de récits traditionnels : deux fées proposent à une jeune fille de lui enlever tout souci concernant son apparence physique. Elle doit cependant s’en remettre à elles…
Nous aurions voulu demeurer plus longtemps à Fant-Asia, mais les habituelles obligations professionnelles ne nous ont pas permis de le faire. Quoi qu’il en soit, cette année aura été marquée par le grand retour en forme de Paul Naschy dans un film qui, nous l’espérons, devrait bénéficier d’une distribution conséquente à l’échelon mondial.
Post-scriptum 2008 : Rojo Sangre fut en effet édité en DVD NTSC dans une jolie version qui rendit justice au film.